Nicolas Foule Alex Prager 09

Repérer des sous-groupes pour retarder les complications

Une classification plus complète du diabète de type 2 aurait pour avantage d’identifier, lors du diagnostic, les individus ayant un risque accru de développer les complications tardives de la maladie.

Je vais vous parler d’un article, qui a fait passablement de bruit dans la diabétologie, paru tout récemment dans la revue « The Lancet : Diabetes and Endocrinology ».

Son titre exact est le suivant : « ovel subgroups of adult-onset diabetes and their association with outcomes : a data-driven cluster analysis of six variables ».

Cette étude a été réalisée dans les pays scandinaves, avec des diabétologues expérimentés.

Traditionnellement, on classifie le diabète en type 1 et type 2, avec un troisième dont l’acronyme est LADA, pour diabète auto-immun de l’adulte, et qui se caractérise par la présence d’anticorps anti-glutamate décarboxylase (anti-GADA).

Une maladie ultra-complexe
Cependant, on sait maintenant, et depuis longtemps, que le diabète de type 2 est une affection extrêmement hétérogène, c’est-à-dire que c’est une maladie génétique extraordinairement complexe !

Pensez que, actuellement, on a identifié environ cent sites génétiques différents pouvant être impliqués dans la génèse du diabète de type 2 et, on continue d’en trouver de nouveaux chaque année.

De plus, le problème est rendu plus ardu par le fait qu’il n’y a pas, comme on le croyait il y a quelques années, le gène du diabète, mais un véritable nuage de sites génétiques pouvant varier selon les individus.

Une stratégie de traitement plus adaptée
A partir de là, il n’est pas difficile de comprendre que tous les diabétiques ne vont pas se comporter et évoluer de la même façon.

« Jusqu’ici, on a identifié cent sites génétiques pouvant être impliqués dans la genèse du diabète de type 2 »

L’idée forte de cette étude était de préciser si tous les groupes de diabétiques pouvaient être caractérisés, et si cette définition de plusieurs groupes pouvaient aboutir à une classification plus complète du diabète de type 2.

L’ambition de cette étude était principalement d’identifier les individus avec un risque accru de développer les complications tardives du diabète lors du diagnostic et, à partir de là, d’instaurer dès que possible une stratégie de traitement visant à empêcher ou retarder l’apparition des dites complications.

Il est, en effet, primordial d’identifier les diabétiques qui, plus que les autres, nécessiteront un traitement intensif, afin d’éviter le plus possible les conséquences d’un diabète insuffisamment traité.

Une étude de grande envergure
Pour élucider ce problème ardu, l’équipe de chercheurs a mené à bien un travail impressionnant.

L’étude s’étend de janvier 2008 à novembre 2016 ; 14’755 patients diabétiques ont été enrôlés, chacun d’entre eux ayant un diabète diagnostiqué depuis moins de 40 jours, le suivi médian de cette cohorte était de quatre ans.

Pour caractériser chaque groupe et suivre leur évolution, six critères ont été choisis :
1) Le dosage des anticorps anti GAD,
2) L’index pondéral (BMI),
3) L’hémoglobine glyquée (HbA1c),
4) L’âge au moment du diagnostic,
5) et 6) : deux équations permettant de mesurer la fonction de la cellule bêta (ce qui correspond à la sécrétion d’insuline), ainsi que la résistance à l’insuline.

Cinq sous-groupes identifiés
Au début de cette étude, les auteurs espéraient pouvoir identifier des groupes de patients nécessitant un traitement particulier, chose qui actuellement n’est pas codifiée.

Avec les outils présentés plus haut, les auteurs ont pu décrire cinq groupes différents, dont je vais vous donner les différents noms.

« Il est primordial d’identifier les diabétiques qui, plus que les autres, nécessiteront un traitement intensif »

Pour des raisons de simplification, je vais garder, pour chaque groupe, les acronymes anglais, en vous les traduisant :
1) Le premier groupe identifié se caractérise par un diabète survenant tôt dans la vie, un rapport poids/taille bas, un contrôle métabolique insuffisant, une sécrétion d’insuline faible, et la présence d’anticorps anti-GAD, ce diabète est nommé : « Severe auto-immun diabetes » ou SAID, selon l’acronyme anglais. Ce groupe comprend environ 4 % des patients étudiés.
2) Le deuxième groupe a les mêmes caractéristiques que le premier, mais sans la présence des anticorps anti-GAD, ce groupe est nommé : « Severe insulin-deficient diabetes » ou SIDD. Il représente 17,5 % des patients considérés.
3) Le troisième groupe se caractérise par une très importante résistance à l’insuline et un rapport poids / taille élevé. Son acronyme est SIRD, pour « Severe Insulin-resistant diabetes ». Il comprend 15,3 % des patients enrôlés.
4) Le quatrième groupe se caractérise par un rapport poids/taille élevé, mais ne présentant pas de résistance marquée à l’Insuline. Son acronyme est MOD pour « Mild obesity-related diabetes ». 21,6 % des patients font partie de ce groupe.
5) Le 5ème groupe, le plus nombreux (39,1 % des patients), a les mêmes caractéristiques que le groupe 4, à savoir rapport poids / taille élevé, pas de résistance à l’insuline et un contrôle métabolique plutôt satisfaisant. Il diffère du groupe 4 par un âge plus élevé au moment du diagnostic de diabète. Son acronyme est MARD pour « Mild Age related diabetes ».

Un profil de complications pour chaque groupe
Voici maintenant les différences observées lors de l’étude dans les groupes cités plus haut.

Comme complications aiguës, les décompensations acidocétosiques sont logiquement plus fréquentes, lors du diagnostic dans les groupes 1 et 2 qui se caractérisent par une sécrétion d’insuline basse.

Par ailleurs, l’apparition d’une rétinopathie est plus fréquente et précoce dans le groupe 2.

Une des découvertes les plus intéressantes de cette étude concerne le groupe 3. En effet, c’est au sein de celui-ci qu’il y a le plus grand risque de développer une insuffisance rénale au cours des quatre années de suivi, et ce malgré un contrôle métabolique satisfaisant. On sait que l’insulino-résistance est liée à l’insuffisance rénale par plusieurs mécanismes bien décrits.

De plus, ce groupe semble également atteint plus fréquemment de stéatose hépatique non alcoolique, ce qui n’était pas le cas dans le groupe 4.

Les auteurs concluent en disant que les cinq groupes, relativement stables dans leur évolution, sont sans doute différents sur le plan physiopathologique et ne sont pas des stades différents d’une même maladie.

Par la suite, on pourra affiner l’analyse génétique de ces différents groupes pour élucider s’il s’agit véritablement de diabète d’étiologie différente, ce que l’on ne peut pas affirmer à ce stade de l’étude.

Un traitement sur mesure
Le principal intérêt de ce travail réside dans le fait que nous devons diversifier les traitements prodigués aux patients diabétiques et abandonner le glucocentrisme.

« Nous devons diversifier les traitements prodigués aux patients diabétiques et abandonner le glucocentrisme »

En effet, dans le troisième groupe, cité plus haut, l’accroissement de l’insuffisance rénale a été observé en dépit d’une hémoglobine glyquée raisonnablement basse, ce qui laisse supposer d’autres mécanismes physiopathologiques impliqués que l’hyperglycémie.
Les auteurs concluent le travail en soulignant que la prise en considération de plusieurs variables chez les diabétiques est largement supérieure à un simple contrôle glycémique et devrait permettre une stratification offrant aux diabétiques un traitement taillé sur mesure, visant à réduire les complications aiguës et tardives du diabète qui grèvent lourdement la morbidité de cette affection.

Je pense que ce travail permettra aux diabétologues d’affiner considérablement le diagnostic et le traitement de leurs patients diabétiques.

Auteur: Dr Nicolas von der Weid