Dessin de Ana

Diabétique depuis l’âge d’un an, Ana gère au mieux sa maladie, grâce à sa ferme volonté, grâce aussi à une famille à la fois attentive et relativement privilégiée et un grand-père suisse, Pierre, très présent. Interview de ce dernier qui se démène en faveur de sa petite-fille et de l’Association colombienne du diabète de Bogota.

Ana Portrait
Ana, une petite fille pleine de vie

Ana est l’aînée d’une fratrie de trois enfants ; son petit frère a un an de moins qu’elle ; sa petite-sœur 18 mois : Ana est la seule à avoir été frappée par la maladie. Son père (journaliste d’investigation) et sa mère (propriétaire d’une boulangerie) mettent tout en œuvre pour que leur fille puisse vivre son diabète dans les meilleures conditions possibles.

Or, « rien n’est simple dans ce pays d’Amérique latine où j’ai vécu plus de 20 ans et où je retourne six mois par an », raconte Pierre, le grand-père : « Les assurances privées qui permettent de se procurer pompes, capteurs et insuline sont, par exemple, hors de prix et inaccessibles aux plus démunis ; les structures publiques qui peuvent prendre en charge les diabétiques sont rares et contraignent les malades à de longs déplacements peu compatibles avec la situation professionnelle souvent précaires des parents ; de plus, les démarches administratives sont kafkaïennes ».

L’école : un casse-tête
Grâce à l’engagement de ses parents au quotidien, Ana a pu se rendre au jardin d’enfants, mais leur investissement a été particulièrement lourd puisqu’il fallait qu’ils mesurent sa glycémie toutes les trois heures. « Par la suite, lorsqu’il s’est agi de trouver à Ana un établissement scolaire dans le primaire, les parents ont essuyé refus sur refus, les professeurs et les directions ne voulant pas l’accepter en raison de sa maladie, par crainte de prendre cette responsabilité », explique Pierre. « Par chance, le lycée français, doté d’une infirmerie, a bien voulu scolariser ma petite-fille, alors que c’était la première fois qu’il était confronté à un / une élève diabétique ».

« Les assurances privées qui permettent de se procurer pompes, capteurs et insuline sont hors de prix et inaccessibles aux plus démunis »

« Heureusement pour Ana, le lycée fait un travail remarquable, poursuit Pierre. Alors qu’elle gère plus ou moins sa pompe (Minimed 640G), l’infirmière de l’établissement signale à ses parents toute glycémie atypique. Par ailleurs, tous les jours, elle nous envoie une photo de son repas afin de pouvoir évaluer, à l’œil nu, son contenu en hydrates de carbone et calculer la dose d’insuline nécessaire ».

Ana, elle-même, est peu à peu entrée dans la routine qu’exige sa maladie : « une gestion apparemment sereine, se félicite Pierre, même si en décembre dernier elle a, pour la première fois, manifesté un certain ras le bol. Tout est, en effet, contraignant, en particulier lorsqu’Ana est invitée à un anniversaire ou lorsqu’il y a des sorties. Dans ce dernier cas, elle est toujours accompagnée par un adulte, membre de la famille. Par chance, Ana a toujours su susciter l’empathie de ses petits camarades et elle s’entend très bien avec son petit frère ; ce qui ne peut que la rassurer ».

Ana Fratrie
Ana avec son frère et sa soeur

Des parents très impliqués
Très concernés par la maladie de leur fille, les parents d’Ana ont choisi de s’impliquer dans le domaine du diabète, que ce soit au sein de l’Association colombienne du diabète qui vient notamment en aide aux plus défavorisés pour qu’ils aient un accès gratuit à l’insuline ou dans la mise sur pied d’un groupe de parents d’enfants diabétiques, afin que les uns comme les autres puissent se rencontrer et échanger. Très active, l’Association est notamment l’éditrice d’une brochure d’information* remarquable – Mi Ruta Segura (un chemin sûr) – destinée aux enfants diabétiques et à leurs parents ; elle est distribuée gratuitement.

Ce partage de l’information est d’autant plus précieux que l’accès aux soins et à l’insuline est tout sauf évident pour une majorité de la population. « Il arrive que des enfants arrivent dans un état désespéré, avec des complications très graves, à l’association. Cette dernière met tout en œuvre pour aider les enfants et les familles, mais que d’obstacles à franchir. Les assurances, au-delà d’être chères, exigent ainsi tout un parcours administratif avant d’admettre un cas et de délivrer, pour deux mois ou trois mois, les languettes et le matériel d’injection. »

Parcours du combattant
« Le parcours du combattant ne s’arrête pas là, car il n’y a que quatre dispensaires habilités à délivrer le matériel pour les diabétiques pour l’ensemble de Bogota (8 millions d’habitants) et il suffit d’une erreur dans les documents pour devoir recommencer toute la procédure à zéro. Tout cela, sans compter les heures de trajet et les heures d’attente qu’imposent aux parents, à chaque étape, le système existant », explique Pierre qui ne cache pas son irritation face à la situation.
Le sort d’Ana est heureusement plus enviable que celui de la majorité des enfants diabétiques de Bogota. Pour Pierre, qui est tombé amoureux de la Colombie il y a quelques décennies, c’est une motivation supplémentaire pour aider, autant que faire se peut, les petits diabétiques colombiens qui méritent bien que l’on s’occupe d’eux.

*Pierre a lancé début mars une campagne de récolte de fonds pour que cette brochure, si précieuse pour les enfants diabétiques colombiens et leurs familles, puisse être rééditée. Souhaitons-lui plein succès dans sa démarche.

Auteur: Pierre Meyer, rédacteur en chef