Sébastien Vincent a traversé mille vies, toujours animé par une curiosité insatiable et un goût prononcé pour la bonne chère. Pourtant, derrière ce parcours dynamique se cache un homme confronté à une polypathologie complexe : diabète de type 1, polyarthrite rhumatoïde, maladie de Crohn et narcolepsie. Comment fait-il pour garder l’équilibre face à ces défis ?
Grandir malgré la maladie
Dès l’enfance, la maladie s’invite dans la vie de Sébastien. À 5 ans, il doit déjà aider sa mère, elle-même atteinte de polyarthrite rhumatoïde. Il se souvient de ces moments où il l’aidait à peler les légumes, découvrant ainsi son goût pour la cuisine. Trois ans plus tard, c’est lui qui reçoit le diagnostic de diabète de type 1. À l’école, les remarques fusent: «C’est contagieux! » Il répond avec humour : «J’ai une ordonnance médicale me forçant à manger du chocolat, toi pas !» Son parcours le mène à travers six pays sur trois continents. Après des études de chimie, il démarre sa carrière par la recherche, puis passe dans l’industrie, où il occupe des postes à responsabilités dans l’agroalimentaire, la cosmétique, la pharma et la chimie, avant de participer à la création de start-ups. Ironie pour un diabétique: son post-doctorat à Toronto se déroule au lieu même où se trouvait le bâtiment où Banting et Best ont découvert l’insuline. Passé 30 ans, la polyarthrite et la maladie de Crohn s’ajoutent à son tableau médical. Il ressent alors une forme d’injustice, mais préfère en rire. Le diabète, qu’il qualifie de «socialement acceptable», reste une charge constante: surveiller sa glycémie, ajuster l’insuline, corriger après chaque mesure. Heureusement, depuis quelques années les innovations technologiques lui offrent un système hybride intelligent qui ajuste automatiquement ses doses, amortissant les effets des hypo- et hyperglycémies, et améliorant considérablement sa qualité de vie.
Crohn et le diabète: une cohabitation délicate
Les diarrhées et les troubles digestifs sont des effets secondaires fréquents de la maladie de Crohn, qui varient mais restent difficiles à gérer, surtout pour un diabétique. Lors des crises inflammatoires, les envies urgentes d’aller aux toilettes sont nombreuses. «Heureusement, grâce à l’Eurokey, j’ai accès à des toilettes adaptées. Pendant ces périodes, j’évite le café, les choux et limite les graisses, en privilégiant les yaourts, un régime qui n’aggrave pas mon diabète. Pour éviter la déshydratation, je bois beaucoup d’eau et de thé.» Lors du diagnostic initial, Sébastien a dû suivre un traitement d’urgence par corticostéroïdes puissants qui ont tendance à augmenter la glycémie et aggraver le diabète. Il gérait déjà son diabète avec une pompe, mais sans capteur continu, alors indisponible. Dans son cas, la molécule par voie orale agissait localement sur l’inflammation et était éliminée sans effet négatif sur son diabète. «Pour la gestion à long terme de la maladie de Crohn, de la polyarthrite rhumatoïde, des douleurs et des allergies, j’ai toujours discuté avec mes médecins des interactions possibles avec le diabète. Ensemble, nous avons trouvé des alternatives pour éviter les corticostéroïdes.» «Je suis chanceux: mes crises sont rares et mon traitement immunosuppresseur me permet d’oublier cette maladie la plupart du temps. Lors d’un séjour en Asie, le régime à base de riz, pauvre en gluten, a modifié mon transit intestinal mais apaisé mon Crohn, facilitant sa gestion. J’ai adapté le comptage des glucides, car le riz change la vitesse d’absorption. De retour à Paris, j’ai réappris à gérer mon alimentation, en surveillant de près mes glucides. Mon Crohn s’est fait oublier et a peu influencé mon diabète. Il est essentiel d’être attentif aux changements de nutrition, de digestion et aux fluctuations du diabète, d’expérimenter et d’adapter ses habitudes. Avec le temps, cela devient un réflexe et tout se passe bien.» La maladie de Crohn est plus mal comprise que le diabète. «Si mes employeurs avaient su, ils ne m’auraient pas confié autant de responsabilités», confie-t-il. Il décide de ne pas leur en parler. Un traitement intensif, qu’il qualifie de «miracle», stabilise sa maladie et sa polyarthrite depuis plus de vingt ans.
Et de quatre…
Comme si cela ne suffisait pas, une quatrième maladie s’ajoute à la liste ; la narcolepsie. Rester cloué au lit 18 heures par jour a été très dur pour lui. Une fatigue permanente l’oblige à interrompre son travail et toutes ses activités. Un nouveau traitement lui redonne quelques heures de concentration, ce qui a changé la donne. Il s’engage alors dans des associations de patient·es atteints de maladies chroniques, de polyarthrite rhumatoïde et de diabète. Il prend le temps de lire et se ressourcer, persiste dans ce qui le passionne et laisse de côté ce qui l’intéresse moins.
Trouver la force de continuer et d’aider les autres
Sébastien ne cache pas les épisodes de colère ou de déni, mais son optimisme reste intact. «Les maladies sont là, mais la vie aussi. Il reste de bons moments, qu’on soit malade ou non. Il y a tant de gens en bonne santé qui ne sont pas heureux. C’est dommage de se priver du bonheur ! Je puise ma force dans ma curiosité et mon énergie. Découvrir ce que je ne connais pas, par la lecture notamment. Apprécier le beau et les échanges. Trouver des solutions me motive et me stimule. Le diagnostic de narcolepsie, qui m’a cloué au lit 18 heures par jour, a été un choc. Mais les échanges avec d’autres patient·es m’ont donné envie d’agir et d’aider. J’ai récemment codéveloppé une formation destinée aux patient·es, proches aidant·es et professionnel·les de santé qui a été récompensée par le Défi La Source 2025. » Retrouvez Sébastien Vincent dans le podcast de diabètesuisse, où il parle de son expérience avec ses propres mots.