Analyse du taux d'HbA1c

Une « bonne » HbA1c n’est pas une assurance tous risques

La mesure de l’HbA1c permet d’estimer le risque de développer des conséquences tardives liées au diabète. Mais de nombreuses études réalisées au cours des dernières années ont montré qu’il n’est pas suffisant d’évaluer la qualité de l’équilibrage de la glycémie à l’aide de la seule valeur moyenne des 3 derniers mois.

La plupart des personnes diabétiques font l’objet d’un contrôle clinique régulier. Lors de ces contrôles, l’attention est souvent focalisée sur la mesure de la proportion d’hémoglobine glyquée – mieux connue sous le nom de « HbA1c ». Cette valeur reflète le niveau moyen des glycémies pendant les deux à trois derniers mois et ainsi, aux yeux de nombreux patients diabétiques et de leurs médecins traitants, également la « qualité » de l’équilibrage de la glycémie. Toutefois, cela n’est que partiellement exact. L’HbA1c est certes directement liée au développement de conséquences spécifiques au diabète. Sa détermination est cependant beaucoup moins importante que ce que l’on peut supposer en ce qui concerne l’évaluation du contrôle de la glycémie.

Médecin et patient satisfaits
Léopold a 63 ans. À l’âge de 24 ans, il lui a été diagnostiqué un diabète de type 1, ce qui a créé une profonde césure dans sa vie. Depuis, il s’est passé beaucoup de choses. Les outils de mesure de la glycémie sont devenus plus petits, plus rapides et plus intelligents, l’insuline est devenue efficace plus rapidement et ses médecins traitants et lui-même ont acquis des connaissances plus étendues sur les conditions de vie « adaptées au diabète ». Est restée en vigueur la détermination sur trois mois du taux d’« HbA1c », qui lui donne une mesure de la « qualité » de son équilibrage de la glycémie.

Aujourd’hui, la situation est la suivante: Léopold fait déterminer son HbA1c chez son médecin traitant. Avec 6,3 %, le résultat est fabuleux. Son médecin se dit « plus que satisfait » et estime que « des changements dans le traitement ne sont donc pas nécessaires ». Léopold se réjouit, même s’il se sent un peu déstabilisé d’avoir de plus en plus souvent souffert d’hypoglycémies au cours des six derniers mois. Compte tenu du bon équilibrage à long terme, qu’il sait pouvoir prévenir et ralentir les conséquences tardives, Léopold s’abstient toutefois de discuter des hypoglycémies avec son médecin.

L’Hba1c reflètela glycémie moyenne

Valeur Cible De HbA1
Valeur cible de l’HbA1 atteinte, mais beaucoup de variations ­glycémiques avec des hypoglycémies.

Des scénarios comme celui-ci peuvent être fréquents dans la vie de nombreuses personnes diabétiques. L’ « HbA1c » – la forme abrégée pour l’hémoglobine glyquée (glycosylée) au site A1c (un emplacement précis de l’hémoglobine) – fournit des informations sur le niveau moyen des glycémies des quelque 90 derniers jours. Cela correspond au temps de vie d’un globule rouge, qui contient l’hémoglobine, laquelle donne au sang humain sa couleur rouge. Les globules rouges ont pour tâche d’acheminer l’oxygène de nos poumons vers toutes les parties du corps. Ce faisant, ils se nourrissent du glucose qui flotte autour d’eux.

Plus la concentration de sucre dans le sang est élevée, plus l’hémoglobine est glycosylée. Chez les individus en bonne santé, environ 4 à 5 % de l’hémoglobine est glycosylée. En cas de situation métabolique diabétique, ce pourcentage augmente nettement, en particulier en cas de glycémie accrue de façon récurrente. L’HbA1c peut ainsi tout à fait dépasser 10 % dans le cas d’un diabète nouvellement diagnostiqué, ce qui équivaut à des glycémies moyennes supérieures à 13 mmol/l au cours des 90 derniers jours.

« Les dommages liés au diabète sont identifiés comme une conséquence à long terme d’un équilibrage médiocre à mauvais de la glycémie

Valeur De HbA1c
Valeur de l’HbA1c > 7 %, courbe glycémique plate.

Les dommages liés au diabète, en particulier au niveau des reins, des yeux, des nerfs et des vaisseaux sanguins, sont identifiés comme une conséquence à long terme d’un équilibrage médiocre à mauvais de la glycémie. Beaucoup de ces conséquences tardives peuvent considérablement restreindre la qualité de vie et limiter l’espérance de vie des personnes diabétiques.

De vastes études ont permis de montrer que les personnes présentant un taux assez élevé d’HbA1c souffrent nettement plus souvent de conséquences tardives. L’HbA1c s’est par conséquent peu à peu imposée comme « critère de qualité » d’un bon équilibrage de la glycémie. Une HbA1c élevée implique certes un risque accru d’entraîner des conséquences tardives, mais il existe d’autres aspects du contrôle de la glycémie, plus importants pour la gestion quotidienne de la maladie, qui ne sont pas couverts par la seule détermination de l’HbA1c.

Variations glycémiques masquées
Un travail de recherche de l’année 2011 s’est intéressé de près aux avantages et inconvénients de l’HbA1c : il a pu être montré que la détermination de l’HbA1c permet durablement une estimation plus précise des glycémies que la réalisation d’un test de tolérance au glucose ou la mesure de la glycémie à jeun au bout du doigt. Pour mesurer l’HbA1c, il n’est pas nécessaire d’être à jeun. L’HbA1c change beaucoup plus lentement que la glycémie à jeun et est donc soumise à moins de variations.

« L’HbA1c ne permet pas de tirer de conclusions quant à la fonction ­pancréatique et les ­hyperglycémies aiguës ne peuvent pas être détectées »

Toutefois, une HbA1c élevée n’est que l’expression de la « glycosylation » de l’hémoglobine. La réelle qualité de l’équilibrage du diabète résulte du contrôle de la glycémie. À ce jour, on ne sait pas exactement combien de temps des glycémies élevées doivent perdurer avant que l’HbA1c n’augmente. L’HbA1c ne permet pas de tirer de conclusions quant à la fonction pancréatique. Les hyperglycémies aiguës ne peuvent pas être détectées. À cet égard, le test de tolérance au glucose et la mesure de la glycémie au bout du doigt sont plus performants que l’HbA1c.

Le principal inconvénient de la mesure de la glyco-hémoglobine réside dans le fait que ni l’ampleur ni la durée des variations glycémiques ne sont détectées. Même des variations glycémiques massives peuvent être masquées par une « bonne » HbA1c. Lorsque de nombreuses glycémies élevées sont compensées par de fréquentes hypoglycémies, l’HbA1c comme valeur moyenne de glycémie varie à peine.

Ainsi, une HbA1c de 6,5 % correspond certes à une glycémie moyenne de 7,2 mmol/l, mais cette valeur moyenne peut aussi être atteinte avec des variations comprises entre 2 et 18 mmol/l. L’HbA1c ne fournit aucune information sur ces mauvaises variations. Des études ont montré que l’HbA1c ne représente qu’environ 11 % du risque de conséquences tardives. Les 89 % restants sont dus à la fréquence, à l’ampleur et à la durée des variations glycémiques.

Nouvelles recommandations
La mesure de l’HbA1c est largement répandue et constitue un standard valable pour l’évaluation de l’équilibrage de la glycémie. Pour une évaluation complète de la qualité du contrôle glycémique, des informations supplémentaires sont toutefois nécessaires. En décembre 2017, un groupe d’experts a formulé les recommandations suivantes:

– En plus de l’HbA1c, il faut connaître la fréquence et le degré de sévérité des hypoglycémies (se définissant par des glycémies < 3,9 mmol/l). Les hypoglycémies, susceptibles d’entraîner une perte de capacité d’agir pouvant aller jusqu’à une perte de conscience, sont potentiellement dangereuses. En outre, des hypoglycémies fréquentes altèrent aussi bien la santé émotionnelle des personnes touchées que leur qualité de vie. Les hypoglycémies peuvent être détectées par des mesures fréquentes de la glycémie ou par une surveillance du glucose en continu. Les deux méthodes doivent être employées.

« En plus de l’HbA1c, il faut connaître la ­fréquence et le degré de sévérité des hypo­glycémies »

– Les hyperglycémies déterminent le niveau d’HbA1c de manière considérable lorsqu’elles surviennent pendant une longue période. Des études ont montré que les glycémies des patients souffrant de diabète de type 1 se situent en moyenne 7 heures par jour dans la fourchette d’hyperglycémie (> 10,0 mmol/l). Des glycémies extrêmement élevées sont certes encore moins bien étudiées quant à leur importance, mais leur apparition est associée à une plus mauvaise survie après une crise cardiaque et/ou un accident vasculaire cérébral. Certains indices suggèrent aussi que des hyperglycémies aiguës peuvent causer des dommages à la rétine, même si elles ne se traduisent pas par des HbA1c élevées. Pour détecter des glycémies élevées, il faut avoir recours aussi bien aux mesures de la glycémie « classiques » qu’à la surveillance du glucose en continu. « Idéalement », les glycémies ne devraient pas dépasser 6 mmol/l avant le repas et 8 mmol/l environ deux heures après le repas. Cela correspondrait à une HbA1c d’environ 6,5 %.

« Pour détecter des glycémies élevées, il faut avoir recours aussi bien aux mesures de la glycémie « classiques » qu’à la surveillance du glucose en continu »

– Un critère particulièrement important pour un bon contrôle de la glycémie est la durée (en heures) pendant laquelle les glycémies se situent en dessous de la fourchette cible. Celle-ci doit être déterminée individuellement. Pour cela, les capacités personnelles, la motivation et les conditions de vie des personnes touchées doivent être prises en compte.

Vers une évaluation plus globale
À titre indicatif, le groupe d’experts a défini une fourchette cible de 3,9 – 10,0 mmol/l comme souhaitable. Le « temps dans la fourchette cible » fournit aussi certaines informations – indirectes – sur la fréquence à laquelle surviennent les épisodes d’hypo- ou d’hyperglycémie et sur la durée de ceux-ci. Des études ont montré que, par rapport à l’HbA1c, le « temps dans la fourchette cible » est mieux associé à la qualité de vie des personnes diabétiques et peut plus rapidement et plus précisément refléter les effets des ajustements thérapeutiques.

La devise bien connue « Plus le taux d’HbA1c est bas, mieux c’est » doit être révisée à la lumière des connaissances actuelles et laisser la place à une évaluation plus globale de l’équilibrage de la glycémie. Certes, l’HbA1c peut servir à estimer le niveau général des glycémies ou les effets à long terme d’un ajustement thérapeutique, cependant on n’obtient pas d’informations sur les changements rapides et aigus du contrôle de la glycémie ni sur le temps dans la fourchette cible ou sur la qualité de vie. Pour cela, il est nécessaire d’effectuer plus fréquemment des mesures de la glycémie au bout du doigt et d’avoir recours à la surveillance du glucose en continu.

Traduction: Tradi-Pharma

Auteur: Dr Andreas Melmer et PD Dr méd. Markus Laimer