Freestile Libre

Le nouvel appareil séduit, mais les conditions de vente fâchent

Depuis son arrivée sur le marché suisse en juillet 2017, le Freestyle Libre fait, à juste titre, un tabac auprès des personnes diabétiques. En revanche, le système de commande ainsi que le service après-vente laissent à désirer et font l’objet de vives critiques de la part des diabétiques.

Il était une fois la révolution ! La firme américaine Abbott a réussi un coup de maître. Son appareil de mesures de la glycémie (liquide interstitiel), seul du genre pour l’instant, a clairement répondu à une attente des personnes diabétiques qui, jusqu’alors, étaient confrontées à l’obligation de se piquer plusieurs fois par jour pour connaître leur taux de glycémie. Pour nombre d’entre eux, l’effet libérateur a été immédiat.

Discret et indolore
En effet, le Freestyle Libre permet non seulement de connaître en permanence sa glycémie, mais encore d’anticiper ce qui va arriver (petite flèche qui indique la tendance à l’hyper ou à l’hypo), alors que précédemment on ne pouvait la relever qu’à l’instant du contrôle glycémique. L’appareil offre ainsi une grande liberté à son détenteur, notamment pour ceux qui suspectent des hypo ou des hyper successives tout au long de la journée. Scanner le capteur pour connaître très rapidement sa glycémie est désormais discret, indolore et peut être répété à loisir.

Le soulagement est encore plus grand pour les parents d’enfants diabétiques qui, d’un simple geste, peuvent, par exemple, vérifier une possible hypoglycémie pendant le sommeil de leurs progénitures.

Sachez, toutefois, que seul un endocrinologue / diabétologue est habilité à établir une ordonnance pour le capteur FSL. Ce dernier s’adresse uniquement aux personnes atteintes d’un diabète sucré, traité par insulinothérapie (pompe ou basale / bolus).

Limites techniques
Les qualités indéniables de ce capteur ne doivent toutefois pas occulter ses limites techniques, dont chaque utilisateur doit être bien conscient :

– Le capteur lui-même doit être collé sur la peau, généralement à hauteur du triceps. L’adhérence n’est pas toujours optimale et il n’est pas rare que le capteur se détache avant le délai de 14 jours ne se soit écoulé. Pire, certains diabétiques développent des allergies à la colle utilisée (ils seraient 5 % dans ce cas).

« Seul un endocrinologue /diabétologue est habilité à établir une ordonnance pour le capteur FSL »

– Le capteur n’indique pas les hyper et les hypo par un vibreur ou un autre signal. Il est donc délicat à utiliser pour les personnes qui ne ressentent pas leurs hypo.

– Il existe un décalage de valeurs entre la glycémie interstitielle (capteur) et capillaire, de 10 à 15 minutes. La personne diabétique doit en être consciente et les médecins recommandent un double contrôle en cas de suspicion d’hypoglycémie.

La précision des mesures dans le tissu sous-cutané n’est pas encore optimale. C’est pourquoi le patient diabétique devra toujours s’informer et se former auprès des professionnels de la santé (médecins et associations) avant d’adopter le nouveau dispositif ou s’il est confronté à des glycémies bizarres.

Vente et suivi vivement critiqués
Après un an d’expérience, les difficultés pratiques liées à la vente et à l’après-vente du Freestyle Libre sont toujours aussi béantes !

« Il y a un décalage de valeurs de 10 à 15 minutes entre la glycémie interstitielle (capteur) et capillaire »

– Concernant le remboursement par l’assurance obligatoire, la situation actuelle est la suivante : elle prend en charge un lecteur tous les trois ans et 27 capteurs au maximum par année. Tout le surplus est à la charge du patient, ce qui peut engendrer des frais importants (12 à 15 francs par capteur).

– Forte du monopole de son capteur, la firme Abbott a fortement réduit les marges sur le FSL, ce qui a pour conséquence que les associations de diabétiques n’en retirent aucun bénéfice en raison des frais d’envoi (sans compter le temps qu’elles y consacrent), car elles tiennent à respecter les plafonds de remboursement des caisses-maladie (LIMA). De plus, les associations assument l’avance des frais (laps de temps nécessaire entre le paiement de la facture au fournisseur et le remboursement par la caisse, après l’envoi de la facture électronique).

C’est pourquoi, certaines associations ont abandonné la vente du FSL, mais toutes continuent à prodiguer les conseils indispensables à l’utilisation du capteur. Sa mise sur le marché a fortement contribué à assécher les revenus des associations et à les fragiliser. Pas étonnant puisqu’en une année le FSL a capté, à lui seul, 40 % des ventes des moyens d’autocontrôle. Pour ce qui est des pharmacies, elles ont introduit une taxe pour couvrir leurs frais, taxe qui est à la charge du seul patient.

– L’entreprise américaine n’a cessé de modifier son système de vente. Des changements de stratégie qui ont pour effet de déboussoler totalement les patients et entraînent un climat de confusion néfaste.

– La commande en ligne du capteur est inutilement alourdie par des procédures longues et répétitives. Les coordonnées du patient sont exigées à chaque démarche et il faut renouveler cette étape à chaque nouvelle commande.

– Le service téléphonique est très peu performant et les patients doivent déployer des trésors de patience pour rappeler toutes leurs coordonnées. La Hotline, elle aussi, n’est pas du tout à la hauteur et les diabétiques sont nombreux à en être excédés.

– Seules les petites commandes (2 capteurs) peuvent être réglées via une facture. Pour des achats plus importants, la transaction ne peut avoir lieu que via une carte de crédit, ce qui est discriminant pour les malades qui ne possèdent le sésame en plastique.

« La commande en ligne du capteur est inutilement alourdie par des procédures longues et répétitives »

– Enfin, la communication avec l’entreprise, pour les professionnels, est généralement pénible, voire inexistante.

Tous ces disfonctionnements appellent une question : est-il absolument indispensable que la qualité d’un appareil, plébiscité par les patients diabétiques, soit inversément proportionnel à l’ineptie des systèmes de vente et de suivi proposés par son fabricant ? Les personnes diabétiques sont ainsi mises sous forte pression, ce qui est d’autant plus dommageable que le client diabétique est un client captif. Les acteurs sanitaires se trouvent, eux aussi, démunis face à une logique où un mercantilisme étroit l’emporte sur tout.

Sources : Alexandra Quarroz (AVsD)
et le
Dr Nicolas de Kalbermatten

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Auteur: Pierre Meyer