Avec Action Diabète, le Valais se lance dans un ambitieux projet
A l’initiative des deux associations valaisannes du diabète (AVsD et DGO, Diabetes Gesellschaft Oberwallis), qui ont bénéficié du soutien de professionnels de la santé, le projet bilingue Action Diabète – Aktion Diabetes (2019-2023) a été lancé en début d’année. Doté d’un budget de 2 millions de francs, financé par Promotion Santé Suisse, il vise essentiellement à améliorer la prise en charge des personnes diabétiques et à promouvoir la coopération entre tous les professionnels de la santé concernés par la maladie qui concerne environ 25.000 personnes en Valais.
En tant que responsable du projet, Mélisande Piota indique que « sur plus de 100 projets déposés, auprès de Promotion Santé Suisse dans le cadre de leur nouveau concept de Prévention dans le domaine des soins, un peu plus d’une dizaine ont été sélectionnés, puis approuvés, dont le nôtre, en novembre 2018 ». S’il parvient à ses fins, le programme Action Diabète est porteur, à terme, d’une évolution très positive dans la façon dont le Valais prendra en charge les personnes diabétiques.
« En ce qui concerne l’Association valaisanne du Diabète et Diabetes Gesellschaft Oberwallis, les retombées seront également positives, même si elles ne touchent pas un franc dans cette affaire, relève Alexandra Quarroz (coordinatrice de l’Association francophone qui couvre les trois-quarts des Valaisans) ». Et d’ajouter : « Le projet ne pourra que renforcer nos liens avec les Haut-Valaisans, accroître notre visibilité auprès des malades et des professionnels et pérenniser notre action aux yeux des responsables cantonaux de la santé, dont nous espérons à terme un soutien financier à la hauteur de l’énergie que nous investissons ». Rappelons que les deux entités ambulatoires sont présentes et disponibles pour les diabétiques de tous âges depuis plus de 50 ans dans le canton.
Prévenir, le maître-mot
Dans les faits, Action Diabète n’a qu’un seul objectif : améliorer la prise en charge des personnes diabétiques tout au long de leur parcours de santé, qu’il s’agisse de dépistage auprès des populations à risque ou de prévention afin que les malades évitent au maximum les complications, souvent graves et invalidantes, inhérentes à leur maladie. La prévention est ainsi le maître-mot du projet valaisan qui s’adresse essentiellement au plus de 35 ans. Pour les plus jeunes et la population en général, la politique de prévention dite primaire est de la responsabilité de Promotion Santé Valais (un organisme public), qui gère le programme d’action cantonal alimentation et activités physiques.
« La prévention est ainsi le maître-mot du projet valaisan qui s’adresse essentiellement au plus de 35 ans »
Ambitieux, l’objectif affiché est aussi limpide. Les moyens à mettre en œuvre sont, en revanche, complexes car ils nécessitent l’implication de nombreux acteurs, privés et publics, la mise en place d’outils numériques et la prise en compte d’une maladie aux multiples facettes, tant individuelles que collectives. La mission de coordinatrice a été confiée à Mme Mélisande Piota, infirmière de formation, qui travaille en étroite collaboration avec les deux associations valaisannes du diabète et deux représentants du secteur de la santé publique : il s’agit du Dr Cédric Dessimoz, médecin cantonal adjoint et président du comité de pilotage du projet Action Diabète, et de Mme Emilie Morard-Gaspoz, déléguée à la prévention à l’Office du médecin cantonal. Le rôle du canton est celui d’un partenaire stratégique.
Les patients en première ligne
Concernant les patients, c’est-à-dire les premières personnes concernées, l’équipe de projet, soutenue par un groupe d’experts, est en train de développer plusieurs pistes de travail : « Tout d’abord, explique Mélisande Piota, nous avons l’intention de clarifier et de structurer le « parcours du patient », du dépistage à la prévention des complications. Une information qui sera largement disponible, notamment sur le site internet d’Action Diabète que nous pensons lancer à l’automne 2019. Ce point est très important car la personne diabétique est souvent déboussolée lorsqu’il s’agit de s’enquérir des possibilités de prise en charge qui s’offrent à elle. L’élaboration de ce parcours, auquel les associations seront associées de près, les aidera dans leurs démarches ».
« Cette approche, poursuit Mélisande Piota, est à mettre en relation avec le souhait manifesté par le programme de renforcer l’autonomie des malades dans la gestion de leur affection, en valorisant notamment leurs compétences. Cela pourrait signifier, à terme, que les malades, sur base volontaire, puissent utiliser une application numérique personnelle qui les aide à gérer leur diabète au quotidien (comme les rendez-vous à ne pas manquer), mais aussi à dialoguer avec les professionnels impliqués dans la prise en charge de leur diabète et à faciliter le partage d’informations entre eux ».
Infos de base et dépistage
Toujours en relation avec le patient, l’équipe de projet estime nécessaire de pouvoir fournir aux malades, et significativement aux plus précaires d’entre eux, toutes les informations disponibles sur la façon la plus simple de faire des économies dans leur traitement (la LaMal ouvre, notamment, des enseignements infirmiers ou diététiques qui ne sont pas suffisamment utilisés) ou de frapper à la bonne porte pour obtenir des aides financières ou des économies d’impôts. « Il existe, par exemple, des aides publiques lorsque la personne en situation de précarité, se retrouve face à un traitement dentaire onéreux , généré par le diabète », note à ce propos Alexandra Quarroz, qui estime que rares sont les personnes au courant. Autant d’initiatives qui s’inscrivent sous le chapeau « égalité des chances ».
Dernier volet : le dépistage. « Il s’agit de développer au maximum cet instrument de diagnostic précoce, insiste Mélisande Piota, afin d’identifier au plus tôt les personnes diabétiques et pré-diabétiques. Cela passe par des campagnes de dépistage ponctuelles (telles que les pratiquent déjà les associations, mais plus fréquemment et à plus grande échelle), par la mise en place de projets pilotes de dépistage en cabinet médical et par les organismes de soins à domicile, ainsi que par les pharmacies ». Cédric Dessimoz estime qu’en associant tous les acteurs de la santé on pourrait aboutir à un dépistage quasi-systématique des personnes à risque, dans une approche souple, de type « bottom-up », qui irriguerait de la base au sommet le réseau des partenaires. Pour atteindre cet objectif, il conviendra de former et de sensibiliser toutes les professions en contact avec les patients.
Des professionnels trop isolés
L’autre axe fondamental du projet Action Diabète concerne les professionnels de la santé. A leur égard, un principe doit prévaloir : celui de coopération, à tous les niveaux. De très nombreux intervenants s’occupent des personnes diabétiques : le spécialiste, le médecin de famille, les infirmières, les diététiciennes et diététiciens, les podologues, mais aussi les pharmaciens et j’en passe. « Or, aujourd’hui, dans le milieu ambulatoire, la collaboration interprofessionnelle est encore peu présente, constate Mélisande Piota. Un gros effort sera entrepris pour mettre tous ces acteurs en réseau et pour renforcer leurs liens, notamment grâce à l’application susmentionnée et à des outils, disponibles sur le site, visant à faciliter la collaboration interprofessionnelle. L’objectif est également d’organiser des rencontres pour que les différentes professions puissent échanger, favorisant ainsi le développement d’une collaboration interprofessionnelle renforcée et efficace ».
« En associant tous les acteurs de la santé on pourrait aboutir à un dépistage quasi-systématique des personnes à risque, dans une approche souple, de type « bottom-up » »
Afin de stimuler cette indispensable collaboration, le programme Action Diabète a choisi de miser, dans un premier temps, sur les assistantes médicales qui œuvrent dans les cabinets médicaux. « Nous pensons que les consultations chez le médecin de famille devraient systématiquement être complétées par un dialogue entre le patient et l’assistante médicale. Cette dernière, qui sera formée à cet entretien, sera ainsi en mesure de détecter si le patient est ou non un sujet à risques de développer un diabète, même s’il est venu chez son médecin pour tout autre chose », explique le Dr Dessimoz.
Le numérique : un allié
Le projet se donne également pour mission d’établir un répertoire des professionnels en lien avec le diabète (accessible aux patients), de développer une application permettant un suivi interprofessionnel du patient en ambulatoire et de promouvoir le « Plan de soins partagés » créé dans le cadre du « Dossier électronique du patient (DEP) » par l’association Cara. Cette dernière est d’ailleurs présente dans toute la Suisse romande, sauf à Neuchâtel.
Le projet valaisan Action Diabète n’est pas sans rappeler le Programme cantonal Diabète dans le canton de Vaud qui s’est terminé fin 2018. Les patients diabétiques seront, à terme, les principaux bénéficiaires de cette nouvelle approche visant à sensibiliser, informer et rapprocher les professionnels liés au diabète. Autre gain inestimable : une meilleure connaissance des enjeux sanitaires du diabète. Ce n’est ainsi pas un hasard si l’Observatoire valaisan de la santé (OVS ; www.ovs.ch) va lancer une étude approfondie sur une cohorte de diabétiques volontaires. « Actuellement, nous n’avons que peu de connaissances sur la population des diabétiques en Valais, reconnait Mme Emilie Morard-Gaspoz. Dans trois domaines en particulier : la qualité de la prise en charge des malades, la qualité de vie des patients et le niveau de collaboration entre les professionnels ».
Le programme Action Diabète, ainsi que la Cohorte Diabète Valais, auront non seulement un impact positif sur la gestion du diabète en Valais, mais également sur les coûts de la santé liés au diabète, car prévention, partage des connaissances et interprofessionnalité sont les garants d’une plus grande efficacité, ne serait-ce que pour éviter les complications dues à la maladie.
En cas de réussite, le projet Action Diabète pourrait inspirer, notamment en Valais, d’autres programmes touchant d’autres maladies. En outre, en raison de son bilinguisme, il pourra aussi contribuer au débat outre-Sarine. Deux belles sources de motivation pour l’équipe qui mène ce beau projet.