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Diabète de type 2

Une étude récente, menée aux Etats-Unis, tend à montrer que les populations les plus exposées à ces substances toxiques sont davantage frappées par le diabète.

J’ai déjà traité, dans ce journal, des méfaits et des dangers causés par la pollution atmosphérique et les perturbateurs endocriniens, concernant le diabète de type 2. Une récente et importante étude, parue dans le mensuel « Diabetes Care » de janvier 2018, s’est penchée de façon détaillée sur ce problème.

En partant du principe que le diabète de type 2 cible, principalement aux Etats-Unis, des populations ethniques et défavorisées sur le plan social et économique, les auteurs se sont posé la question : si d’autres facteurs que l’origine ethnique ou la pauvreté pouvaient jouer un rôle dans l’apparition du diabète de type 2.

Populations vulnérables
Les populations les plus vulnérables face au diabète de type 2 sont bien connues aux Etats-Unis ; il s’agit des individus venant d’Amérique du Sud (les Latinos), les Afro-Américains et les populations vivant dans un contexte socio-économique défavorisé.

« L’exposition au PCB est diabétogène »

En effet, par rapport à des populations décrites comme caucasiennes, le risque de développer un diabète de type 2, est supérieur de 66 % et 77 %, chez les Latinos et les Afro-Américains respectivement. Concernant la prévalence, on notera que 18 % des Afro-Américains et 20,5 % des Mexicains sont diabétiques, alors que chez les blancs non hispaniques, seuls 9,1 % sont diabétiques.

Les auteurs de l’étude ont donc regardé de près les possibles expositions des populations concernées aux perturbateurs endocriniens et à la pollution atmosphérique.

On sait de longue date que les Afro-Américains sont davantage confrontés à une pollution environnementale, mais jusqu’à présent, la contribution de ces produits toxiques, selon les ethnies différentes, n’avait pas été évaluée. Les auteurs de ce travail ont donc méthodiquement étudié les principales molécules toxiques, décrites comme perturbateurs endocriniens.

Les PCB ou les polychlorobiphényles
Ces produits ont été largement utilisés dans les années 1980 (construction, transformateurs). Bien qu’interdits actuellement, ces produits sont détectables dans les tissus humains, en raison d’une très longue durée de vie. L’intoxication se fait par l’ingestion d’aliments contaminés aux alentours d’usine produisant ces composés.

Une exposition élevée aux PCB est documentée chez les Afro-Américains depuis les années 60 ; elle est due à la proximité de leurs habitations et des usines, ainsi qu’à un mode d’alimentation particulier (poisson-chat).
Plusieurs études ont montré que l’exposition aux PCB est diabétogène, surtout chez les femmes ; une recherche récente fait état d’un risque accru relatif de 2,39.

Les pesticides OC
Ces produits sont désormais interdits, mais leur large usage dans les années 70 fait qu’ils sont encore mesurés dans les tissus des Mexicains et des Afro-Américains qui ont été largement exposés à ces produits toxiques. L’intoxication se fait par les sols contaminés et la consommation de viande et de poissons gras.

Le BPA ou bisphénol alpha
Plusieurs travaux ont montré que ces produits sont associés au syndrome métabolique et au diabète.

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Ce produit entre dans la composition de nombreux plastiques d’emballage, à l’intérieur des boîtes de conserve et, jusqu’à il y a peu, dans les biberons. Ce produit est assez rapidement éliminé, mais ses taux affectent davantage les Afro-Américains et les classes sociales défavorisées. Ce fait s’explique sans doute par la consommation d’aliments préparés, de canettes de soda et un accès difficile aux aliments frais.

Effets délétères
Les effets de ce composé ont été étudiés de près et on a pu démontrer de multiples effets délétères sur la sécrétion et l’action de l’insuline, les perturbations sur les cellules bêta et alpha du pancréas.

« La pollution de l’air joue un rôle dans la dysrégulation glycémique »

Au bout du compte, l’association entre le BPA et le diabète de type 2 semble avérée, mais elle peut être modifiée par un score génétique, c’est-à-dire que certaines populations sont plus vulnérables que d’autres aux effets du BPA.

Les phtalates
Les phtalates sont principalement utilisés comme plastifiant dans les emballages alimentaires, dans la construction, les produits d’hygiène ou pharmaceutiques.

Une importante exposition aux phtalates a été bien documentée chez les Afro-Américains et les populations à bas revenu.

Encore une fois est incriminée la consommation d’aliments préparés ou emballés, et sans doute des habitations délabrées. Par ailleurs, certains produits d’hygiène privilégiés par les Afro-Américaines pourraient être une source d’intoxication.

Plusieurs travaux laissent également à penser qu’il y a un lien entre le diabète et le taux de phtalates, mais nous manquons encore d’études prospectives menées rigoureusement chez des populations considérées comme vulnérables.

La pollution atmosphérique
Les auteurs de l’étude se sont également penchés sur les possibles relations entre la pollution atmosphérique et le diabète de type 2. La pollution engendrée par la circulation automobile se compose principalement d’oxydes nitriques (NOx), d’ozone et de microparticules. En raison de leurs lieux d’habitation, les populations Afro-Américaines, hispaniques ou économiquement défavorisée, sont largement plus soumises à la pollution.

Proximité des grands axes
De plus en plus d’évidences montrent que cette pollution de l’air joue un rôle dans la dysrégulation glycémique, incluant une résistance à l’insuline. Une étude a également mis en évidence que vivre à moins de 100 mètres d’une route à forte circulation augmentait le risque de développer un diabète de 37 %. Ce risque est particulièrement flagrant chez les Afro-Américaines vivant dans un contexte social défavorisé.

De plus la pollution atmosphérique semble également responsable de l’apparition de certaines complications : en effet, une augmentation du taux de microparticules sanguines, chez des patients diabétiques, était corrélée avec un accroissement des accidents cérébro-vasculaires.

Conclusions
Il appert donc de cette analyse ayant scruté un grand nombre de travaux (93 cités) que la vulnérabilité de certaines populations au diabète n’était pas entièrement due à des facteurs génétiques ou au style de vie, mais pourrait être accrue par des facteurs toxiques provenant de notre environnement ou de la pollution atmosphérique.

Il faudrait cibler ces populations à risque et faire en sorte de réduire leur exposition aux produits toxiques. En soignant des populations dites à risque, le corps médical devrait ainsi avoir à cœur de pister les différentes sources possibles d’intoxication et les éliminer, ou les réduire, par des conseils judicieux.

Reste encore à définir le rôle et les possibilités d’intervention des autorités sanitaires envers la grande industrie, mais ça, comme disait R. Kipling, c’est une autre histoire.

Auteur: Dr Nicolas von der WEID