Victoria

Victoria, diabétique de type 1,a couru le marathon de New York

Chapeau bas. Victoria Chmielewski, directrice de la Fondation pour la Recherche sur le Diabète, s’est mise à la course à pied il y a à peine plus d’un an. Bien entourée, elle a eu cette idée un peu folle de participer au Marathon de New York. Pari réussi. Avec une glycémie au top, qui plus est.

Remise de médailles pour Alix Bourdin et Victoria Chmielewski peu après leur arrivée © FRD
Remise de médailles pour Alix Bourdin et Victoria Chmielewski peu après leur arrivée © FRD

Il y a un peu plus d’un an je chaussais mes premières baskets et m’inscrivais dans un groupe de course à pied, qui, je l’apprendrais plus tard, est spécialisé dans la préparation aux marathons. Mon but à l’époque était d’apprendre à courir et de participer à la traditionnelle « course de l’escalade » début décembre à Genève. Contre toute attente, j’ai très vite pris goût à l’effort physique et ce premier challenge sportif m’a encouragé à continuer… et à voir plus grand !

La Fondation pour la Recherche sur le Diabète a toujours encouragé les personnes souffrant d’un diabète à pratiquer une activité physique. Elle a également promu plusieurs défis sportifs afin de sensibiliser à la maladie. Après l’ascension du Mont-Blanc par Myriam Zimmermann, jeune suissesse diabétique de type 1, en 2014, la traversée non-stop du lac Léman (80 km à la nage) par Jaime Caballero en 2016, je fais le pari un peu fou de reprendre le flambeau : courir 42km avec le diabète. Ce sera donc un marathon, mais pas n’importe lequel, celui de… New-York !

Trois entraînements par semaine
Aussitôt dit, les préparatifs s’enchaînent et il ne m’est alors plus possible de revenir en arrière. Pourtant, me sachant de nature peu sportive, mon entourage est très dubitatif quant à mon assiduité (et à mon potentiel athlétique) pour réussir ce challenge qui les surprend beaucoup. J’espère tous les étonner. Commence alors, accompagnée de ma co-équipière Alix, une « course contre la course » avec des entraînements trois fois par semaine et une discipline très stricte, dès le mois de janvier.

« Pour réussir ces 42km avec le diabète, il a fallu concocter un plan sur-mesure pour mettre toutes les chances de mon côté et faire de la maladie une force et non un obstacle »

Mais le fait d’être sportive débutante n’est pas le seul obstacle que je vais devoir surmonter : je suis atteinte de diabète de type 1 depuis l’âge de 4 ans et comme je vais le voir au fil de mes entraînements, le diabète va pimenter ma préparation pour ce défi.

Bien s’entourer
Pour réussir ces 42km avec le diabète, il a fallu concocter un plan sur-mesure pour mettre toutes les chances de mon côté et faire de la maladie une force et non un obstacle.
Je pense que la clé du succès dans ce genre d’aventure, c’est de bien s’entourer. C’est ce que j’ai fait avec une équipe médicale attentive, une équipe de coachs sportifs motivants et une diététicienne bienveillante qui m’ont tous apporté les bons conseils, au bon moment.

« Chaque personne réagit différemment et il est important de bien se connaître pour bien gérer son diabète »

Ce qui me semble important au départ d’un tel projet, c’est d’avoir l’écoute du corps médical. La diabétologue qui me suit, Dre Bettina Peter-Riesch, m’a accompagnée tout au long de cette aventure. Nous avons élaboré ensemble un plan personnalisé à suivre lors des entraînements. Le Docteur Giacomo Gastaldi (HUG) m’a quant à lui apporté de nombreux conseils et connaissances théoriques dans la pratique d’une activité physique, quelle qu’elle soit, lorsque l’on est diabétique. Il m’a notamment fait remarquer que chaque personne réagit différemment et qu’il est important de bien se connaître pour bien gérer son diabète.

Place à l’action
Une fois ces bases solides posées, place à l’action ! Et pour préparer un marathon, j’ai suivi un plan d’entraînement sportif spécifique… et assez strict ! C’est Olivier Baldacchino, coach sportif, qui l’a élaboré avec trois séances par semaine réparties comme suit : une séance de vitesse en salle, une séance de vitesse en groupe à l’extérieur et enfin une séance d’endurance. En janvier, alors qu’il me le présentait en détails (et que je prenais peur), il m’a dit que si je suivais ce programme à la lettre, j’y arriverai. Il disait vrai !

Entraînement de luxe avec le marathonien suisse Tadesse Abraham © FRD
Entraînement de luxe avec le marathonien suisse Tadesse Abraham © FRD

Au-delà de ces séances d’entraînement souvent fatigantes, parfois contraignantes (ou même les deux !) il fallait gérer mon diabète, en suivant les conseils des médecins. Mais comme les diabétiques le savent, ce n’est pas simple ! Il faut en permanence adapter le traitement à son état de fatigue, son stress, son alimentation… Alors, pour les entraînements en extérieur pendant lesquels je devais avaler de plus en plus de kilomètres sans faire d’hypo ou d’hyperglycémie, j’ai choisi de prendre conseil auprès de Cyril Hedbaut. Je l’appelle mon « coach diabète ». Lui-même diabétique de type 1, il a à son palmarès déjà plusieurs marathons et Ironman, j’avais donc beaucoup à apprendre de lui. Il m’a encadrée et guidée, m’apportant son expérience sur la gestion du diabète dans l’effort, m’accompagnant lors d’entraînements sur de longues distances pendant lesquelles ma glycémie a souvent joué au yo-yo.

Gérer son diabète
En effet, la difficulté de cette préparation a vraiment été de trouver le bon équilibre entre l’insuline, qui fait baisser le taux de glycémie, couplée à l’activité physique qui fait également baisser le taux de sucre dans le sang, et un apport en glucides adéquat.

La préparation d’une course se découpe en trois étapes : l’avant course en adaptant l’insuline et en faisant les bonnes réserves de glucides, pendant l’effort en gérant les re-sucrages nécessaires tout en évitant l’hypoglycémie et enfin l’après course, car même si l’effort est terminé, son impact sur le corps et la glycémie peut encore durer plusieurs heures, voire plusieurs jours.

Ce fut un travail de longue haleine, avec des hauts mais aussi des bas (au sens diabétique comme au sens moral), mais à la clé : QUE DU BONHEUR !

« Ce challenge m’a permis de mieux accepter mon diabète »

Après dix mois d’entraînement avec ma co-équipière Alix, j’ai réussi mon défi et bouclé ces « 42km avec le diabète » lors du marathon de New-York, dimanche 3 novembre 2019. Pour l’occasion, Alix qui n’est pas diabétique, s’est elle aussi équipée d’un capteur, pour comparer nos glycémies avant, pendant et après l’effort.

Les courbes de glycémies de Victoria (en haut) et Alix, non diabétique, enregistrées tout au long de la course © FRD
Les courbes de glycémies de Victoria (en haut) et Alix, non diabétique, enregistrées tout au long de la course © FRD

Cette édition 2019 s’est présentée sous un soleil radieux, une température parfaite et pour moi une glycémie à 10.8 mmol/l au réveil et à 14.5mmol/l au moment du départ, mais celle-ci a vite chuté pour rester entre 7 et 9 mmol/l tout au long de la course. Toutes les conditions étaient donc réunies pour réussir l’épreuve.

Comme me l’avait conseillé ma diabétologue, je me suis re-sucrée toutes les 20 à 30 minutes avec un total d’environ 50g de glucides par heure.

La foule comme dopant
Je ne vous cache pas qu’à partir du 35-36ème km, c’était plus difficile mais la foule massée dans Manhattan pour les derniers kilomètres motive tellement qu’il est hors de question d’abandonner si proche du but ! Du départ, sur le Verazano bridge au son de New-York New-York, popularisée par Liza Minelli et Frank Sinatra, à l’arrivée dans Central Park, cela n’a été que du bonheur et de l’émerveillement.

« Je me suis re-sucrée toutes les 20 à 30 minutes avec un total d’environ 50g de glucides par heure »

Alix et moi avons passé la ligne d’arrivée ensemble. Quelle magnifique expérience, j’en ai encore des étoiles plein les yeux ! Ce qui m’a le plus marquée lors du marathon, c’est ce public qui est là, tout au long du parcours, et qui encourage, applaudit l’effort. Nous avons tenu bon tout le long et terminé, en courant, avec une glycémie parfaite toutes les deux !

Avec le diabète, rien n’est impossible
Ce challenge m’a permis de mieux accepter mon diabète, d’apprendre à le gérer dans l’effort et de me rendre compte qu’il n’est pas un obstacle à la pratique d’un sport, même extrême, tant que l’on s’y prépare bien et que l’on est bien encadré. Après de nombreux tâtonnements au fil des entraînements, j’ai réussi à courir 42km avec une courbe de glycémie identique à celle d’une personne non diabétique, une vraie victoire sur la maladie !

Ce défi m’a permis d’accepter pleinement la maladie et d’en faire une force. J’espère avoir convaincu qu’il est possible de faire du sport tout en ayant une glycémie équilibrée. C’est grâce aux progrès de la recherche qu’un tel challenge est devenu possible. En continuant de soutenir la recherche, nous pouvons espérer qu’un tel défi devienne une activité normale demain pour tout diabétique.

En résumé, c’est pour moi un CHALLENGE DOUBLEMENT RÉUSSI ! D’une part, parce que c’était un effort physique qui a nécessité une préparation longue et difficile, sachant qu’il y a un peu plus d’un an, je ne faisais pas de sport ! D’autre part, parce que c’est encore plus difficile avec un diabète de type 1, qu’il a fallu tester le corps à maintes reprises, trouver des solutions, la maladie peut souvent décourager. Ma plus grande victoire est d’avoir pu gérer ma glycémie tout au long de la course avec une courbe digne d’une NON-diabétique. C’est pour moi un véritable exploit et le fruit de nombreux mois de travail, questionnements et efforts ! Je vous encourage tous à bouger, un peu, beaucoup et comme moi plus si affinité !

Auteur: Victoria Chmielewski, directrice de la Fondation pour la Recherche sur le Diabète