Une vaccination peut-elle réduire le risque chez l’enfant ?

Le diabète de type 1 est une maladie complexe. En effet, pour que le diabète s’exprime, il faut qu’il y ait une susceptibilité génétique, laquelle a été identifiée. 50 % du risque familial de développer cette affection se situe sur le « bras court » du chromosome 6, sur un lieu nommé HLA pour « human leucocyte antigen ».

C’est ce site qui contrôle le « soi », c’est-à-dire notre propre identification cellulaire, qui interdit de subir une greffe sans immunosuppresseur, car la greffe sera perçue comme un corps étranger et sera donc rejetée.

Maintenant, comme vous le savez, le diabète est une maladie auto-immune, c’est-à-dire que certaines cellules, responsables de la défense de l’organisme, vont, en se trompant de cible, détruire progressivement les cellules bêta du pancréas. Ce phénomène est extraordinairement complexe et je vous en épargnerai les détails.

Facteurs environnementaux
Ce que l’on pense actuellement, c’est que chez certains individus génétiquement susceptibles, des facteurs environnementaux vont déclencher cette réponse auto-immune, qui va aboutir à la destruction des cellules synthétisant l’insuline. Chez des enfants génétiquement prédisposés, on peut prédire l’apparition d’un diabète en mettant en évidence la présence de certains anticorps (anticorps anti-îlots, anti IA2, anti GAD et anti znT8).

Malheureusement, et malgré d’innombrables études et travaux, on ne peut enrayer la survenue du diabète de façon définitive. Une récente étude parue dans le « New England Journal of Medicine » décrit l’utilisation d’un nouvel anticorps (le teplizumab) chez des patients à haut risque. Le diabète a été retardé de deux ans, par rapport à un groupe contrôle, chez les patients traités, ce qui constitue un résultat intéressant, mais n’a pas stoppé l’évolution inéluctable de la maladie.

« On ne peut enrayer la survenue du diabète de façon définitive »

Penchons-nous maintenant sur ces facteurs environnementaux, plusieurs candidats sont désignés :
– certaines protéines contenues dans le lait de la vache, par exemple,
– ou certaines bactéries se développant dans les pots pour bébés,
– et bien d’autres encore.

Rotavirus
Pourtant certains virus semblent être de sérieux candidats susceptibles de déclencher la réaction auto-immune, qui va aboutir à la destruction des cellules bêta. Un virus est particulièrement étudié, il s’agit d’un rotavirus, familièrement nommé RV dans la littérature scientifique. Ce virus est la cause principale des gastroentérites infantiles dans le monde.
Une équipe de chercheurs australiens s’est penchée sur ce virus. En effet, l’incidence du diabète de type 1 chez l’enfant a fortement augmenté dans la deuxième moitié du 20e siècle, ce qui justifie la clarification de ce problème par l’éventuel identification d’un facteur d’environnement.

Dans la première partie de leurs travaux, les auteurs se sont attachés à démontrer que le rotavirus pouvait déclencher un diabète chez les rongeurs, d’où le titre de l’article « Does rotavirus turn on type 1 diabetes (1) (le rotavirus a-t-il causé le diabète de type 1).

Hypothèse plausible
Ils ont identifié certaines protéines virales, pouvant « tromper » les cellules T, responsables de la destruction auto-immune des cellules bêta, et les inciter à se retourner contre les cellules bêta. Le postulat, selon lequel le rotavirus est susceptible de provoquer un diabète de type 1, est donc plausible. Le mécanisme invoqué est très complexe, et je ne le décrirais donc point.

« L’incidence du diabète de type 1 chez l’enfant a fortement augmenté dans la deuxième moitié du 20e siècle »

Des études épidémiologiques, avec spécifications génétiques, ont révélé à ce groupe australien, qu’un facteur environnemental devait jouer un rôle très important dans l’apparition d’un diabète de type 1 chez l’enfant.

Une intéressante observation est tirée d’une coutume australienne, le « rooming-in » des mères et de leur enfant, c’est-à-dire de rester en chambre avec l’enfant, au lieu de le placer celui-ci dans une nursery où les infections par rotavirus sont, bien entendu, beaucoup plus fréquentes. L’enfant avec sa mère est donc protégé en quelque sorte d’une infection par ce virus.

Des résultats étonnants
De là est venue l’idée de vacciner ces enfants contre les rotavirus. Après s’être assuré que ledit vaccin ne déclenchait pas une réaction susceptible de provoquer le diabète, les auteurs ont étudié, sur une période de 16 ans, deux populations, une avant l’introduction du vaccin, et une après l’introduction.

Dans les huit ans avant la vaccination, l’incidence du diabète de type 1 était de 24,4 cas par 100’000 enfants par an. Par contre, chez les enfants vaccinés, cette incidence a diminué de 15 % !

D’autres observations menées aux Etats-Unis, de 2001 à 2017, chez un million et demi d’enfants, a également montré les faits suivants :
– Chez les enfants non vaccinés, l’incidence du diabète était de 20,6 pour 100’000 enfants par an,
– Mais seulement de 12,2 par 100’000 enfants par an, c’est-à-dire une baisse de 41 % !

On ne peut affirmer que la vaccination contre le rotavirus est un moyen infaillible pour protéger l’enfant d’un diabète de type 1. D’autres travaux doivent être menés pour mieux comprendre exactement le mécanisme responsable, par lequel le rotavirus peut déclencher un diabète, et dont la vaccination peut protéger, plus ou moins, un enfant à risque de développer cette affection métabolique.

Peut-être que ces travaux pourront contribuer à diminuer les courants anti-vaccinaux qui font florès dans certains pays.

(1) L’article « Does rotavirus turn on type 1 diabetes », Léonard L. Harrison and al., 10 octobre 2019.

Auteur: Dr Nicolas von der Weid