L’hyperglycémie ne représente pas un danger immédiat, mais…

A court terme, l’hyperglycémie n’est pas dangereuse en soi, mais par les effets délétères qu’elle entraîne sur la personne diabétique : acidocétose pour les types 1 et déshydratation chez les types 2.

Ce terme est, plus que souvent, utilisé pour désigner un taux de sucre anormalement élevé. Pour mieux cerner ce concept, je suis obligé de donner certains chiffres qui sont actuellement reconnus partout et permettent de définir un taux de sucre normal ou anormal.

On considère qu’une glycémie, à jeun, est normale jusqu’à 5,6 mmol/l. Entre 5,6 et 6,9 mmol/l, on parlera d’intolérance aux hydrates de carbone (HdC), et à partir d’une glycémie, à jeun,à 7,00 mmol/l et plus, on pose le diagnostic de diabète sucré.

« C’est à partir de 7 mmol/l qu’apparaît une complication observable du diabète, à savoir la rétinopathie diabétique »

Une glycémie prise n’importe quand dans la journée, supérieure ou égale à 11,1 mmol/l, permet également de parler de diabète sucré.
L’hémoglobine glyquée (HbA1c) est également retenue pour diagnostiquer le diabète. Elle est considérée comme normale jusqu’à 5,6 %. Entre 5,7 et 6,4 %, on parlera d’intolérance aux HdC et dès 6,5 %, le diabète est établi.

Une question m’est souvent posée : pourquoi une glycémie, à jeun, à 7 mmol/l et non pas 6 ou 8 mmol/l ? Ce chiffre de 7 mmol/l a été retenu parce que des études épidémiologiques bien conduites ont révélé que c’est à partir de ce taux, que l’on pouvait constater l’apparition d’une complication observable du diabète, à savoir la rétinopathie diabétique.

Pour être complet, je vous donne la définition d’une hypoglycémie, à savoir un taux de sucre trop bas, qui est de 3,9 mmol/l et en-dessous.

A quoi sert le sucre ?
C’est une source d’énergie qui permet à nos cellules de vivre et d’exercer leur fonction. Une fois entré dans la cellule, le glucose va être métabolisé et transformé en énergie, utilisée par la cellule.

Certaines cellules, celles du muscle et du tissu adipeux ne pourront laisser pénétrer le glucose qu’en présence d’une hormone que vous connaissez bien, à savoir l’insuline, qui fonctionne comme une sorte de clé ouvrant un récepteur à la surface de la cellule, permettant l’entrée du glucose.

La concentration de glucose dans le sang est étroitement contrôlée, dans des limites extrêmement fines, c’est ce qu’on appelle l’homéostase glucidique.

Cet équilibre dépend de quatre voies métaboliques :
– l’absorption du glucose,
– sa synthèse,
– sa combustion,
– son stockage.

Vous pouvez imaginer la complexité et l’interaction de ces différentes voies métaboliques, qui toutes, sont censées maintenir un taux de glycémie dans des limites extrêmement étroites.

Le corps a besoin de sucre
Quelques mots maintenant concernant la production et l’utilisation du glucose dans le corps.

Schématiquement, on peut décrire la situation de cette façon :
1) Apport du glucose, environ 250g / jour, dont :
– apport alimentaire : 180g / jour,
– production rénale et hépatique : 70g / jour

2) Utilisation du glucose,environ 250g / jour, dont :
– cerveau : 125g / jour,
– reste de l’organisme : 125g / jour.

Dans le même temps, le rein filtre 180g de glucose par jour, et en réabsorbe 180, ce qui explique que, pour une glycémie normale, il n’y a pas de glucose dans les urines.

Cependant, lorsque la glycémie atteint 10 mmol/l et plus, le rein va, à ce moment, éliminer du glucose, qui apparaîtra dans les urines.

« Le cerveau consomme autant de sucre que le reste de l’organisme »

Le rein et le foie sont, en outre, capables de synthétiser (fabriquer) du glucose, à partir des composants des muscles et des tissus adipeux. C’est ce qu’on appelle la gluconéogenèse, et c’est grâce à cette voie métabolique, qu’on ne meurt pas d’hypoglycémie, en cas de jeûne prolongé.

Le cerveau : un gros consommateur
Vous aurez noté que le cerveau est un gros consommateur de glucose. Cette consommation est fixe, c’est-à-dire qu’elle ne varie pas en fonction de l’activité cérébrale. En effet, que vous soyez un grand maître disputant un tournoi d’échec, ou vautré devant une inepte production télévisuelle (ce qui ne manque pas), votre cerveau consommera benoîtement ses 125g de glucose.

J’ai dit plus haut à quel point la régulation de la glycémie est d’une extrême finesse, et je vais vous le démontrer avec l’exemple suivant.

Prenons un homme de 70 kgs environ :
– L’espace de répartition du glucose correspond à 14 litres, à savoir 20 % du poids du corps, (par espace de répartition, on entend le volume de liquide où se répartit le glucose). Un taux normal de glucose de 1 g/L (5,5 mmol/l) sera donné par 14 gr de glucose dans 14 litres.

– Rajoutons maintenant dans cet espace, 3,64g de glucose (un morceau de sucre fait 4 grammes !), et la glycémie s’élèvera à 1,25 g/l (7 mmol/l), ce qui est la définition du diabète !

Vous voyez maintenant à quel degré de précision l’homéostase glucidique est maintenue.

Qu’entend-on par hyperglycémie ?
Par définition, toute glycémie à jeun à plus de 5,6 mmol/l. La question qui se pose est de savoir quel est le degré de dangerosité d’une hyperglycémie.

La question est complexe, il faut considérer plusieurs choses :
– le degré d’hyperglycémie, et surtout,
– le temps d’exposition, à ladite hyperglycémie.

Deux études majeures ont pu répondre à la question suivante : l’hyperglycémie accroit-elle le risque des complications tardives du diabète ?

Ces deux études ont été conduites chez des diabétiques de type 1 et de type 2, respectivement la DCCT (Diabetes Control and Complication Trial) achevée en 1993 et l’UKPDS (United Kingdom Prospective Study) terminée, elle, en 1987.

« L’amélioration du contrôle du diabète diminue, de façon considérable, les complications tardives du diabète »

Mon propos n’est pas de détailler ces immenses études, mais sachez qu’elles ont montré d’une façon irréfutable, aussi bien chez le diabétique de type 1
que chez le diabétique de type 2, que l’amélioration du contrôle du diabète diminuait, de façon considérable, les complications tardives du diabète.

Ces études ont donc justifié nos efforts pour contrôler, au mieux, l’équilibre du diabète.

Pour terminer, quelques mots concernant le risque immédiat entrainé par des hyperglycémies importantes.

Deux complications métaboliques aigües sont redoutées chez les patients diabétiques :
– La première concerne les patients diabétiques de type 1 et se nomme l’acidocétose. Elle se caractérise par une hyperglycémie de l’ordre de 12 à 20 mmol/l et l’accumulation de corps cétoniques dans le sang, qui va aboutir à une acidification du sang. C’est le désordre chimique qui est dangereux, et non l’hyperglycémie en elle-même.
– La deuxième complication, plus rare, concerne les diabétiques de type 2, et se caractérise par des glycémies très élevées, jusqu’à 100 mmol/l. Cependant, ce n’est pas la glycémie en elle-même qui est délétère, mais une déshydratation intense, le déficit hydrique pouvant atteindre 10 à 12 litres. Ainsi, si après avoir absorbé un repas de fêtes, suivi d’un dessert conséquent, votre glycémie monte brutalement à 25 mmol/l ou plus, le risque immédiat est nul, puisque vous n’entrez dans aucune des deux complications citées plus haut. Et pour autant que votre traitement soit poursuivi correctement, la situation devrait se normaliser.

Auteur: Dr Nicolas von der Weid