La NASH , une affection aussi sournoise que redoutable

Bien qu’insuffisamment diagnostiquée, cette maladie est pourtant très fréquente, notamment chez les obèses et chez les personnes atteintes d’un diabète de type 2 en surpoids.

Une cellule normale
Une cellule normale
La NASH se caractérise par une accumulation de lipides dans les hépatocytes (cellules du foie) donnant à ces derniers une image caractéristique, évoquant des bulles translucides

Le grand public, mais également les médecins, sont en train de découvrir que les hépatites virales et l’alcool ne sont pas les seules causes d’atteintes hépatiques. Cette NASH est souvent appelée maladie du soda ou maladie du foie gras, comme son nom l’indique ; elle présente une forme de fibrose et d’inflammation.

Elle est précédée d’une forme pure de stéatose hépatique, nommée NAFLD, acronyme anglais pour non alcoholic fatty liver disease (stéatose hépatique non alcoolique). Contrairement à la NASH, cette forme d’atteinte hépatique ne présente pas d’inflammation. Nous verrons plus tard l’épidémiologie de cette affection.

« Dans la population générale, la prévalence de cette affection varie entre 10 et 20 % »

Je ne m’attarderai pas sur la description histologique de cette maladie, mais sachez qu’elle se caractérise par une accumulation de lipides dans les hépatocytes (cellules du foie) donnant à ces derniers une image caractéristique, évoquant des bulles translucides.

Fréquence et causes
L’excès pondéral est la première étiologie, suivie par le diabète de type 2, et l’hyperlipidémie.

Dans la population générale, la prévalence de cette affection varie entre 10 et 24 %, c’est donc une affection extrêmement fréquente et encore pas suffisamment diagnostiquée et traitée. Chez les individus en surpoids, la proportion de NASH peut varier entre 57 et 74 % ! On a également constaté, que chez les enfants obèses, entre 22 et 58 % sont atteints de cette affection !

Quels risques ?
Le passage vers une cirrhose hépatique peut survenir chez 20 % des patients diabétiques de type 2, sévèrement obèses. La NASH est donc actuellement considérée comme une complication secondaire du diabète de type 2.

Or, il faut savoir que la cirrhose hépatique est un état malheureusement irréversible ; elle s’accompagne d’une morbidité considérable, à savoir hémorragies digestives, ascite (accumulation de liquide dans la cavité péritonéale, qui peut atteindre 10 litres et plus), insuffisance hépatique et rénale, avec son cortège de troubles électrolytiques nécessitant une difficile prescription de médicaments diurétiques.

« La NASH est actuellement considérée comme une complication secondaire du diabète de type 2 »

Une fois la cirrhose établie, le risque majeur est le développement de tumeurs, à savoir le redoutable et redouté cancer du foie ou carcinome hépatocellulaire, dont le pronostic reste extrêmement réservé.

En effet, le seul traitement considéré comme curatif reste la transplantation du foie, geste lourd comme vous pouvez l’imaginer, à la fois sur le plan médicale et chirurgical.
Pour les patients qui refusent, ou chez qui la transplantation est impossible, on essaie de détruire les foyers de tumeurs, en pratiquant ce que l’on appelle des chimio-embolisations, procédé palliatif et non curatif, avec un pronostic réservé.

Le diagnostic de la NASH
Les signes sont malheureusement peu spécifiques. Les patients se plaindront, le plus souvent, de fatigue, quelques fois de nausées matinales et d’une sensation de réplétion au niveau du flanc droit.

Tout d’abord, il y a des anomalies de laboratoire se traduisant par des perturbations des enzymes hépatiques (rapport ASAT / ALAT est à moins de 1), élévation des Gamma GT et de la ferritine (protéine qui transporte le fer).

L’examen de premier choix reste la biopsie hépatique qui permet non seulement de poser le diagnostic, mais encore d’évaluer la sévérité de la maladie, en fonction du pourcentage d’hépatocytes atteints de stéatose. Cet examen est cependant invasif, et justement redouté par les patients, car potentiellement accompagné de complications secondaires. Une biopsie hépatique ne saurait, en aucun cas, être envisagé en dépistage.

L’histoire naturelle de la NASH peut être résumé ainsi :
– De NAFLD à NASH, de 10 à 20 % sur 10 ans à 20 ans ;
– de NASH à cirrhose, 3 à 15 % sur 10 à 20 ans. Je rappelle que la cirrhose est un état considéré comme irréversible ;
– de cirrhose à carcinome hépatique, 2 à 5 % par an.

L’imagerie, l’échographie, et surtout l’IRM pourront donner des indications, mais le problème est que personne ne sait à quel rythme ces examens doivent être faits pour dépister le passage en cirrhose ou l’apparition du cancer. Il est évident que l’on ne peut pratiquer une IRM tous les trois mois, le coût/bénéfice étant beaucoup trop élevé.

« Le premier traitement est une perte pondérale d’au moins 10 % du poids corporel »

C’est la raison pour laquelle il a été mis à disposition des internistes généralistes un test nommé eLIFT (pour easy liver fibrosis test), comprenant l’âge, le sexe, les enzymes hépatiques, la numération des plaquettes, ainsi que la coagulation sanguine. Ce test permet d’établir un score qui, s’il est au-delà d’une certaine limite, exigera d’effectuer u n test avec un appareil sophistiqué permettant d’établir avec précision le degré de fibrose. Pour les patients avec un score inférieur, un suivi annuel est proposé.

Concernant la pathogénèse de la NASH, je ne m’étendrai pas, car elle reste encore obscure, et les mécanismes impliqués sont extraordinairement compliqués, et font appel à des facteurs de transcription, dont on commence seulement à comprendre le rôle.

On observe, cependant, que la NASH s’accompagne d’une importante résistance à l’insuline, qui joue un rôle prépondérant dans la genèse de cette maladie.

Quel traitement ?
Le plus important facteur reste une perte pondérale d’au moins 10 % du poids corporel.

Par ailleurs, un bon contrôle des paramètres métaboliques (diabète, hyperlipidémie) doit être également effectué. Eu égard à l’importante prévalence de la NASH, de nombreux laboratoires pharmaceutiques se sont lancés dans une véritable course, mais pour le moment, aucune médication n’a été validée par les différentes instances concernées.

A ce jour, quatre substances candidates sont testées :
– l’acide obéticholique,
– l’élafibranor,
– le selonsertib,
– le cenicriviroc.

Mais, pour l’heure, aucune de ces substances n’a été autorisée ; certaines, comme l’acide obéticholique, provoquent d’importants effets secondaires.

En conclusion, cette affection sournoise et redoutable commence enfin à être mieux reconnue et suivie de façon adéquate, après avoir été négligée pendant de nombreuses années. Ainsi, depuis environ six ans, la NASH est régulièrement discutée dans les congrès internationaux de diabétologie, témoignant de l’importance de cette maladie.

Auteur: Dr Nicolas von der Weid