Canabis

Le cannabis accroît le risque d’acidocétose

Cannabis et diabète de type 1 ne font pas bon ménage. Une réalité à prendre en considération puisque l’usage du cannabis récréatif est plutôt répandu chez les adolescents et les jeunes adultes.

Un article paru dans le dernier numéro de « Diabetes Care », la prestigieuse revue dévolue à l’étude et le traitement du diabète, a retenu mon attention. Elle s’intitulait « Cannabis use is associated with increased risk for Diabetic Ketoacidosis in Adults with type I Diabetes ». Autrement dit, l’usage du cannabis accroit le risque d’acidocétose chez les patients diabétiques de type 1.

Le cannabis est la drogue la plus consommée aux Etats-Unis et en Europe. Par ailleurs, la moitié des Etats américains ont rendu sa consommation légale, pour un usage médical ou récréatif. Je ne m’étendrai pas sur les controverses concernant l’usage médical du cannabis, ce n’est pas le sujet de cet article.

La prise de cannabis, chez les diabétiques de type 1, n’a jusqu’à présent pas été étudiée de façon détaillée et le comportement des adolescents ou jeunes adultes diabétiques n’est vraisemblablement pas différent de celui d’une population non diabétique.

Vidange gastrique
Bien que mal connus, les effets gastro-intestinaux du cannabis semblent ralentir la vidange gastrique et la motilité (capacité à effectuer des mouvements, red.) intestinale en inhibant le système cholinergique intrinsèque. De plus, cette substance peut déclencher des vomissements incoercibles pouvant conduire à une décompensation métabolique majeure.

Cependant, ces effets sur le plan gastro-intestinal, avec l’influence sur la glycémie post-prandiale, sont souvent très variables et peuvent survenir de façon inopinée chez les consommateurs de cannabis.

Etude américaine
L’étude récente effectuée au Colorado, un des premiers Etats à libéraliser l’usage du cannabis, a effectivement mis en évidence une association entre la consommation de cannabis et la présence d’une acidocétose. Pour clarifier ce problème, les auteurs de l’étude ont invité 1 000 patients diabétiques de type 1, âgés de 18 ans et plus, à remplir un questionnaire pour préciser leur consommation de tabac, alcool ou autres substances.

« Le cannabis peut déclencher des vomissements incoercibles, menant à une acidocétose »

Ce questionnaire établissait un score, qui allait de 0 à 33, permettant d’établir un risque décrit comme bas, modéré ou élevé, justifiant ou non, une intervention thérapeutique. Chaque groupe a été identifié, et l’étude a donc porté sur une hospitalisation pour acidocétose lors des 12 derniers mois.

Bien entendu, plusieurs paramètres ont été pris en considération, à savoir l’hémoglobine glyquée (HbA1c), la technologie utilisée (pompes à insuline, lecture en continue des glycémies), l’omission des injections d’insuline, l’accès aux soins, la consommation d’alcool et la présence ou non d’une dépression.

Un risque multiplié par 3,2 !
L’étude s’est portée sur le groupe dit de risque modéré, caractérisé par leur jeune âge, de type masculin, l’apparition d’un diabète dans l’enfance, pas d’études secondaires, et usage faible des technologies.

« Notre rôle consiste, toujours dans un but de prévention, à rendre attentifs les diabétiques consommateurs de cannabis »

Les résultats de l’étude ont révélé que les diabétiques présentant un risque modéré, par rapport à ceux présentant un risque faible, ont présenté un risque d’acidocétose multiplié par 3,2, c’est-à-dire une augmentation significative !

Les raisons de cet accroissement d’acidocétose restent encore hypothétiques ; certes le ralentissement de la vidange gastrique et la diminution de la motilité intestinale pourrait théoriquement jouer un rôle favorable, mais leur caractère absolument aléatoire les rend, au contraire, nocifs.

Hypoglycémies mal perçues
De plus, de nombreux consommateurs de cannabis peuvent développer une hyperémèse au cannabis (vomissements incoercibles) qui peut mener à une acidocétose. Par ailleurs, le cannabis peut fortement accroître l’appétit, induisant par là une consommation alimentaire inadéquate concourant au déséquilibre du diabète. Enfin, une mauvaise perception des hypoglycémies chez les consommateurs de cannabis va également interférer avec l’équilibre du diabète.

L’intérêt de ce travail met en exergue un comportement souvent mal
appréhendé chez nos jeunes patients diabétiques.

Notre rôle consiste donc, toujours dans un but de prévention, à rendre attentifs les diabétiques consommateurs de cannabis, aux risques potentiels d’abus de cette substance concomitamment à la présence du diabète.

N.B. : avec ce dernier article, l’auteur de ces lignes prend congé du d-journal et il remercie chaleureusement toute l’équipe de la rédaction, avec laquelle, il a collaboré au long de toutes ces années avec le plus grand bonheur, dans un esprit d’amitié et de partage, qui nous ont permis de maintenir le d-journal à flot dans des eaux souvent tumultueuses.
Mes remerciements vont également à nos lecteurs, dont la fidélité a permis la survie du d-journal.

Auteur: Dr Nicolas von der Weid