Confusion, imprécisions : quand la presse maltraite le diabète

Trop souvent des articles relatifs à la santé suscitent de faux espoirs ou font des annonces prématurées. Le diabète en fait régulièrement les frais.

Des éponges marines pour traiter le diabète

L’article ci-dessous est issu du quotidien économique français « Les Echos », paru le 20 novembre 2018.

Quel est le lien entre l’éponge de mer, la Polynésie et le diabète ? C’est très simple : il pousse en Polynésie française une éponge de mer répondant au nom scientifique de Dactylospongia metachromia. Elle a l’intérêt de contenir deux molécules : l’ilimaquinone et son épimère (c’est-à-dire une molécule constituée des mêmes éléments chimiques que l’ilimaquinone, mais dont l’architecture diffère).

Ces substances permettent de faciliter la production de l’insuline, une hormone sécrétée naturellement par l’organisme humain et qui permet de réguler le taux de sucre dans le sang. Or, les individus souffrant de diabète de type 2, le plus répandu avec 1,5 million de personnes touchées en France, ont besoin de cette insuline. Voilà comment l’éponge des atolls pourrait soigner le diabète.

Actuellement, l’insuline utilisée dans la santé peut être produite à partir de l’insuline de porc, mais elle doit être transformée pour l’adapter au corps humain grâce à des substances comme l’ilimaquinone.

La semaine dernière, le Conseil des ministres de la Polynésie a annoncé une étude de faisabilité d’une nouvelle filière aquacole dans l’archipel des Tuamotu. Le projet nommé « redame », mené avec des organismes de recherche publics, bénéficiera d’un appui financier de 687.000 euros sur trois ans.

D’autres études sur les propriétés des éponges pour soigner le diabète sont en cours dans le monde, notamment en Inde avec l’utilisation de dysidine provenant de l’éponge Dysidea.

Le commentaire du Docteur Nicolas von der Weid

J’ai ressorti cet article qui me semble caricatural concernant l’ignorance de la presse lorsqu’on parle du diabète.

Tout d’abord quelques mots sur l’ilimaquinone.

Cette substance est maintenant bien connue et suscite passablement d’intérêt en ce qu’elle présente des effets anti-infectieux, anti-inflammatoires et anti-cancéreux.

Effets bénéfiques, certes, mais qui n’ont été étudiés que dans des protocoles de recherche et jamais comme traitement chez l’homme.

Il appert que cette substance agit sur une organelle de la cellule, l’appareil de Golgi, qui joue un rôle essentiel, effectivement, dans la sécrétion d’insuline et par ce biais, cette substance pourrait influencer l’insulino sécrétion.

Epuisement de la cellule bêta
Cependant, comme vous le savez, dans l’histoire naturelle du diabète, lorsque la cellule bêta insulino-sécrétante est épuisée et ne peut plus produire d’insuline, les médicaments dits « secrétagogue », c’est-à-dire qui augmentent la sécrétion d’insuline, n’ont plus d’effet.

« Regrettable confusion entre sécrétion d’insuline et transformation d’insuline de porc en insuline humaine »

L’ilimaquinone n’aurait d’effet que similaire aux sulfonylurées (Diamicron) avec la perte d’efficacité connue au bout de quelques années, et ne constitue donc pas un nouvel espoir pour le traitement du diabète de type 2.

De plus, comme cité plus haut, un programme d’étude a été instauré aux Iles Tuamotu pour étudier la possibilité de produire et d’exploiter cette substance, programme qui va durer trois ans, autant dire qu’on va attendre encore pas mal de temps !

Insuline de porc !
Une autre phrase, celle concernant « l’insuline utilisée dans la santé » comporte une confusion consternante : il est vrai qu’il y a plusieurs années on ne disposait que d’insuline de porc, et qu’à la suite de manipulations biologiques, on a pu rendre cette insuline semblable à l’insuline humaine, opération qui ne doit rien à l’ilimaquinone ! Il y a donc, dans cette phrase, une regrettable confusion entre sécrétion d’insuline et transformation d’insuline de porc en insuline humaine.

Enfin, pour terminer, il y a de nombreuses années que l’insuline de porc a été abandonnée !

L’insuline humaine est actuellement synthétisée par des bactéries ou des levures, chez qui, on a inséré le gène de la proinsuline, permettant à ces dernières, de fabriquer en quantité suffisante l’insuline dont nous avons besoin. C’est ce qu’on appelle le génie génétique.

Imprécision, confusion sont trop souvent présentes dans des articles sensationnalistes, traitant du diabète et suscitant des espoirs pour le moins prématurés chez les diabétiques !

Une remise au point s’impose donc de temps en temps !

Auteur: Dr Nicolas von der Weid