Siscare Pilulier électronique

Rôle positif des pharmaciens auprès des patients diabétiques

Une évaluation scientifique du projet pilote Siscare DT-2 (avril 2016-juillet 2017), auquel 27 pharmacies de Suisse romande et 212 patients diabétiques de type 2 ont participé, a montré, au cours des 15 mois de l’expérience, qu’une implication accrue des officines avait débouché sur une adhésion thérapeutique stabilisée à un niveau élevé (88 %) et sur une amélioration des valeurs d’hémoglobine glyquée. (Le projet avait été présenté dans le d-journal de juillet 2017).

Christophe Rossier, pharmacien
Christophe Rossier, pharmacien

A la tête, à Rolle, d’une des pharmacies participantes, Christophe Rossier tire un bilan positif, mais aussi contrasté, de cette expérience qui, dans son cas, a concerné six patients, dont quatre sont allés au bout des 15 mois : « la démarche, qui consistait à la fois à doter les patients d’un pilulier électronique permettant une mesure continue et à assurer un suivi – quatre entretiens de type motivationnel, individualisé et confidentiel, par an – a très clairement abouti à ce que les patients acquièrent une meilleure maîtrise de leur médication. A mon sens, c’est ce qui explique, notamment, l’évolution favorable des valeurs d’hémoglobine glyquée chez les sujets concernés. En d’autres termes, le projet pilote a apporté le même bénéfice, voire davantage, que si on avait introduit un médicament supplémentaire ».

L’expérimentation a également eu pour conséquence de stabiliser à un haut niveau, sur la durée du projet pilote (valeur médiane de 456 jours), l’adhésion thérapeutique des patients, constate le document d’évaluation du projet pilote Siscare-DT2 (1), finalisé en octobre dernier. « Les résultats sont très encourageants, souligne Christophe Rossier, puisque l’adhésion thérapeutique s’est élevée à 88 % de prises correctes de médicaments. Un résultat très supérieur à celui compilé dans une étude de l’assureur Helsana, la seule existante en Suisse, qui établissait le taux d’adhésion à 42 % ! »

Meilleure maîtrise des médicaments
« Cela est sans doute dû au fait que la démarche a amené les patients à s’intéresser davantage à leur médication, grâce à une forme d’apprentissage lié aux entretiens motivationnels qui a abouti à une meilleure maîtrise dans leur façon de prendre les médicaments. D’habitude, en effet, le pharmacien se contente de délivrer, avec quelques conseils généraux, les médicaments prescrits par le médecin. Il faut toutefois admettre que l’étude n’échappe pas à un certain biais, les patients participants au projet pilote étant peut-être plus motivés que les autres. Mais, je constate aussi que les 88 % ne sont pas très éloignés des chiffres obtenus avec cette démarche, dans d’autres études, auprès des malades du sida ».

« Le projet pilote a eu pour conséquence de stabiliser à un haut niveau l’adhésion thérapeutique des patients »

Précisons que Christophe Rossier a suivi le projet pilote Siscare de très près, à la fois comme participant au programme et comme cosignataire du rapport d’évaluation mené par Unisanté, le centre universitaire de médecine générale et santé publique de Lausanne, sur mandat de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Le pharmacien s’est impliqué dans le projet en tant que membre de Sispha (2), une société créée par des médecins et des pharmaciens qui a pour vocation d’améliorer la qualité des soins dans l’intérêt des patients et de la santé publique.

Pilulier électronique
Sur le plan pratique, la sélection des patients recrutés dans le projet pilote par le pharmacien de Rolle s’est faite essentiellement sur deux critères : la motivation du malade et la difficulté de certains à prendre correctement leurs médicaments. L’introduction du pilulier électronique qui enregistre la fréquence et l’heure de la prise du médicament (un pilulier par médicament) et qui permet d’établir une statistique mensuelle, « a été un instrument précieux d’évaluation lors des entretiens, précise le pharmacien, car il permettait de confronter la réalité statistique au ressenti du patient, avec parfois des écarts importants ». Généralement utilisé dans le cadre des recherches cliniques, le pilulier électronique ne fait pas partie des outils traditionnels du médecin. Le projet pilote a néanmoins démontré son efficacité, même si le dispositif demande encore à être amélioré : en effet, à chaque médicament son pilulier et au-delà de 3-4 prescriptions son usage devient malaisé. « Certains patients ont également renoncé à cet appareil parce qu’ils le trouvaient trop intrusifs », ajoute Christophe Rossier.

« La relation avec le patient s’est modifiée et approfondie, ce qui implique qu’il est possible d’entrevoir un autre rôle pour le pharmacien, plus actif et plus réceptif aux demandes des patients »

Du côté des pharmaciens impliqués dans la démarche, le bilan est, là aussi, contrasté. « Notre implication, qui nous a notamment conduit à suivre des cours de formation à Unisanté sur les entretiens motivationnels (adhésion thérapeutique et accompagnement du patient), a été très riche sur le plan humain, se réjouit-il. La relation avec le patient s’est modifiée et approfondie, ce qui a pour conséquence qu’il est possible d’entrevoir un autre rôle pour le pharmacien, plus actif et plus réceptif aux demandes des patients qu’il reçoit ».

Du temps et de l’argent
Mais, certes motivant pour les deux parties, les entretiens sont gourmands en temps consacré. Christophe Rossier a mené sa propre évaluation : « le temps moyen consacré au premier entretien a été de 42 minutes et de 24 minutes pour les rendez-vous ultérieurs (4x par an), a-t-il constaté. Dans mon officine, nous avons pu le gérer avec le personnel existant, mais une telle approche nous conduirait à étoffer notre équipe si elle prenait en charge tous les patients diabétiques qui en feraient la demande. En outre, si la démarche devait concerner d’autres malades chroniques (qui constituent la majorité de notre clientèle), nous devrions nous réorganiser pour faire face ».

« L’étude estime qu’avec Siscare les coûts liés aux antidiabétiques oraux augmentent avec le taux d’adhésion alors que les coûts médicaux, toutes causes et liés au diabète, diminuent »

« En outre, le projet pilote a mis le doigt sur un problématique qui a trait à la rémunération du praticien. L’étude pointe ainsi le fait que si le système de facturation actuel des assurances (via la position tarifaire « semainier ») permet de couvrir les coûts du dispositif pour des patients prenant trois médicaments ou plus, rien n’est prévu en dessous. En outre, les médecins n’ont pas de prestations correspondant au temps passé à collaborer avec d’autres professionnels de la santé ».

Siscare Avis Des Patients Sur Le Pilulier électronique

Siscare Retour Patients

Source : Evaluation du projet pilote Siscare – DT2

Echanges à sens unique
Ce dernier élément explique globalement pourquoi les médecins traitants n’ont que très peu réagi au projet Siscare, car même s’ils recevaient systématiquement un rapport du pharmacien sur les sujets participant à la démarche, ils se sont généralement contentés de recevoir l’information sans prendre contact avec le pharmacien. « Pour ma part, cette absence de réaction et de contact m’a quelque peu frustré, avoue Christophe Rossier, car le projet avait aussi pour but de tester les gains pour le patient de l’inter-professionnalité, ce qui n’a pas vraiment fonctionné. Mais quand on connaît l’emploi du temps surchargé des médecins… ».

L’étude d’Unisanté relève enfin, en se basant sur la littérature, qu’ « une meilleure adhésion est associée à un meilleur contrôle glycémique, à une baisse de la mortalité, ainsi qu’à une diminution des hospitalisations et visites aux urgences, mais à une augmentation des visites médicales ambulatoires. De façon mécanique, ajoute-elle, les coûts liés aux antidiabétiques oraux augmentent avec le taux d’adhésion alors que les coûts médicaux, toutes causes et liés au diabète, diminuent ». Si l’étude ne permet pas d’apporter d’éclairages décisifs sur cette problématique, elle considère que le maintien, voire l’amélioration des valeurs d’hémoglobine glyquée constatée, peuvent être associées à un « effet préventif global (y compris alimentation et sédentarité) d’un accompagnement coordonné et durable ».

Siscare Graphique De Prise
Graphique de prise de prise d’un médicament obtenu grâce au pilulier électronique

Avantageux pour les assurances
Les auteurs de l’étude suggèrent ainsi ce qui suit : « il semble raisonnable d’affirmer que la participation à un programme Siscare est favorable sur le plan économique du point de vue l’assureur », à savoir une baisse des coûts de santé occasionnés par une personne diabétique.

Ceci dit, une généralisation du programme Siscare ne pourra avoir lieu que si la question de la rémunération des professionnels engagés dans cette nouvelle offre de soins ambulatoires est réglée à leur avantage. Sans cette reconnaissance pécuniaire, Siscare risque bien de ne pas dépasser le stade actuel de l’expérimentation. Or, le pharmacien, en raison de sa facilité d’accès, des contacts réguliers qu’il a avec les malades chroniques qu’il reçoit et de son réseautage local avec les autres acteurs de soins peut être considéré comme un acteur stratégique des soins ambulatoires.

(1) Titre de l’étude : Evaluation du projet pilote Siscare- DT2 et de son implémentation dans l’offre de soins ambulatoires en Suisse romande (octobre 2019) Unisanté

(2) Sispha a été fondée en 2011 par une équipe multidisciplinaire composée notamment de spécialistes de la pharmacie et de la médecine de famille. Active dans des projets de recherche, Sispha a pour vocation d’améliorer la qualité des soins, dans l’intérêt des patients et de la santé publique. Elle propose un concept de soins coordonnés, interdisciplinaires et personnalisés. La société a rejoint le groupe Ofac en 2016.

Afin de compléter sa palette de prestations, Sispha met à disposition des pharmaciens des outils de gestion et de mesure d’adhésion, tels qu’une plateforme sécurisée et le pilulier électronique.

 

Auteur: Pierre Meyer