Brigitte Sordoillet, une Nantaise à l’hôpital de Sainte-Croix

Brigitte Sordoillet anime depuis sa création en 2010, avec sa collègue Géraldine Blondeau, la consultation en diabétologie du réseau santé Balcon du Jura, site des Rosiers, à Sainte-Croix. A raison d’une matinée par semaine, elles accueillent les personnes diabétiques de la région pour un suivi de leur traitement et pour l’éducation thérapeutique.

« C’est à l’initiative du Dr Rolf Zumschlinge, l’un des médecins-chef de l’hôpital, que ce nouveau service a été lancé en novembre 2010, précise Brigitte Sordoillet. Il s’agissait de soulager les médecins de la région (où il n’y a pas de diabétologue) confrontés à la maladie et d’assurer une présence ambulatoire (nous ne prenons pas en charge les patients hospitalisés) centrée sur le suivi régulier des traitements et l’éducation thérapeutique ».

Elle poursuit : «Nous accueillons 3 à 4 patients lors de la consultation du vendredi matin (soit une cinquantaine par an). Ces derniers reviennent en règle générale tous les trois mois, un rendez-vous par année ayant lieu en présence du médecin. Le suivi du traitement est accompagné systématiquement de conseils sur l’alimentation et l’activité physique ainsi que d’un examen des pieds, accompagné de soins si nécessaire. On a parfois l’impression de rabâcher les mêmes choses, mais c’est indispensable car de nombreux patients diabétiques connaissent des moments de relâchement bien compréhensibles. Les informations que nous recueillons sont transmises au médecin traitant et au Dr Zumschlinge ».

Si la consultation en diabétologie accueille essentiellement des patients de Sainte-Croix et sa région, elle compte également quelques personnes diabétiques venant du canton de Neuchâtel tout proche (Val de Travers). Globalement, les rendez-vous concernent avant tout des diabètes de type 2. Le service est, en outre, en contact avec l’EVAM, l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants, installé dans la ville. « Entre 5 et 10 % de notre patientèle est issue de l’EVAM qui nous adresse les malades », précise Brigitte Sordoillet.

« Nous accueillons 3 à 4 patients lors de la consultation du vendredi matin (soit une cinquantaine par an) »

En 2010, la création de cette unité ambulatoire a créé quelques remous auprès des médecins du cru. Allait-elle installer une concurrence déloyale ? « Dans les faits, nous avons eu des réactions très contrastées, se souvient Brigitte Sordoillet. Certains praticiens ont refusé de nous envoyer leurs patients. D’autres ont exprimé leur soulagement car ils les savaient en de bonnes mains. Enfin, il en est qui ont souhaité conserver le suivi des traitements, tout en nous confiant l’éducation thérapeutique. L’essentiel pour notre service est de faire preuve de souplesse pour pouvoir nous adapter à chaque situation ».

Après presque dix ans de pratique dans cette consultation en diabétologie, Brigitte Sordoillet tire un bilan très positif de cette expérience. Tout d’abord sur le plan personnel puisqu’elle a toujours été intéressée par l’endocrinologie, depuis ses études d’infirmière à Nantes, dans les années 80. Pour les patients et leurs médecins aussi : « à l’évidence, nous avons pu démontrer que notre service avait amélioré le suivi des patients de la région. Afin d’être toujours au courant des derniers développements – et Dieu sait si les choses évoluent beaucoup dans le domaine du diabète –, j’assiste très volontiers à des cours de formation continue (y compris sur mes jours de congé), ce qui me permet, par exemple, de réadapter un traitement, en relation bien sûr avec le Dr Zumschlinge ».

« Ma collègue et moi-même sommes convaincues que cette consultation pourrait élargir son champ d’action. Je pense notamment à la mise sur pied d’ateliers 2 ou 3x / an, où les thèmes de l’alimentation, de l’activité physique ou des soins de pieds aux diabétiques seraient abordés. Dans un second temps, un lien pourrait être créé pour la population plus générale avec l’aide de la plateforme Prévention / Promotion de la santé. Mais, pour l’instant, c’est l’absence de moyens financiers qui nous bloque ».

« L’essentiel pour notre service est de faire preuve de souplesse pour pouvoir nous adapter à chaque situation »

Assurer la pérennité de ce service est une des préoccupations de Brigitte Sordoillet : « l’hôpital exige que notre activité soit rentable. C’est le point de vue de l’institution. Mais de quelle rentabilité parle-t-on, s’interroge-t-elle ? Est-ce que l’on peut quantifier toutes les complications qui auraient lieu si cette unité n’existait pas ? En agissant de manière préventive, en promouvant la santé, notre consultation apporte indéniablement sa petite pierre dans la réduction, globale, des coûts de la santé ».

A côté de son activité en faveur des personnes diabétiques, Brigitte Sordoillet s’occupe également du magasin central (fournitures) de l’hôpital, à raison d’un jour par semaine, tout en travaillant aux urgences le reste du temps. Elle participe enfin au piquet infirmier.

De l’Atlantique aux forêts jurassiennes

Brigitte Sordoillet vient de Nantes où elle a mené à bien ses études d’infirmière, achevées à la fin des années 80. Mais comment a-t-elle bien pu se retrouver en Suisse, elle qui habite depuis bientôt trente ans à Sainte-Croix ? « A l’époque, c’est une petite annonce parue dans Ouest-France, le quotidien local, qui a attiré mon attention : le CHUV à Lausanne recrutait des infirmières. Comme les contrats précaires sévissaient déjà en France, j’ai sauté sur l’occasion (c’était en 1988), pensant alors faire un séjour d’un an en Suisse » !

« C’est une petite annonce du CHUV parue dans Ouest-France, le quotidien local, qui a attiré mon attention »

Comme souvent, les jobs se sont enchaînés pour Brigitte Sordoillet qui, après le CHUV, s’est retrouvée successivement à St-Loup, puis dans le canton de Berne à Moutier et Bienne, avant de s’installer à Sainte-Croix. « J’avais fait allemand en première langue (une filière d’excellence) pour mon bac, et j’avoue que cela m’a beaucoup aidée, dans le contexte multilingue helvétique ».

A l’hôpital de Sainte-Croix, elle démarre en gériatrie, puis, très rapidement, rejoint les soins aigus et les urgences, avant de se former, fin des années 2000, à la diabétologie à l’Espace compétences de Cully. Une spécialité qui l’a toujours attirée, vu que son travail de diplôme à la sortie de son école d’infirmière portait sur l’endocrinologie.

Plutôt que sa carrière, Brigitte Sordoillet a privilégié les services où l’ambiance de travail est aussi chaleureuse que stimulante. Une attention aux relations de travail qui l’a naturellement conduite à s’engager sur le plan syndical. Avec succès, puisque « Sainte-Croix a été le premier hôpital vaudois à avoir signé un accord de délégation syndicale avec la direction », souligne-t-elle fièrement.

Brigitte Sordoillet retournera à Nantes pour sa retraite ; c’est sûr, même si elle apprécie beaucoup la qualité de vie offerte par Sainte-Croix. En attendant elle s’y rend 3-4 fois par an, parfois en voiture, car elle adore ça. L’altitude, le froid, la neige : « je sature de plus en plus », confesse-t-elle, mais les conditions de travail en Suisse demeurent très supérieures à ce qu’elles sont en France. Elle prend donc son mal en patience.

(PM)

Auteur: Pierre Meyer