Céline Kosirnik, l’atout santé de ses proches

Céline KosirnikA 27 ans, Céline Kosirnik a déjà vécu une double expérience de proche aidante, l’une auprès de sa mère qui était atteinte d’une maladie en phase aiguë qui a fini par l’emporter, l’autre auprès de son compagnon, diabétique de type 1 depuis l’âge d’un an.

«Tout ceci m’est un peu tombé dessus en fonction des circonstances», affirme-t-elle, même si elle reconnaît une sensibilité toute particulière à l’égard des questions de santé. Ce n’est ainsi pas un hasard si elle se retrouve aujourd’hui psychologue dans le domaine de la santé.

Dans le premier cas, celui de sa mère atteinte d’une bronchopneumopathie chronique obstructive, Céline Kosirnik a, dans les faits, assisté son père qui s’est occupé au quotidien de son épouse. «J’étais toutefois aussi présente que possible malgré la distance entre Lausanne et Genève, à la fois pour soulager mon père, mais également pour m’impliquer très concrètement, et non sans stress, dans les traitements, parfois complexes, que devait subir ma mère».

Un soutien qui permet de dédramatiser
L’expérience vécue avec son compagnon diabétique, avec lequel elle vit depuis sept ans, est d’une autre nature : «ici, pas de phase aiguë, mais une préoccupation au quotidien, notamment face aux risques d’hypoglycémie».

«Jacques délègue volontiers une part du fardeau quotidien qu’exige la gestion de son diabète»

Et une situation quelque peu paradoxale : à 30 ans, Jacques (prénom d’emprunt) vit avec son diabète depuis 29 ans. Pleinement engagé dans une vie professionnelle riche et exigeante, affrontant sans sourciller toutes les responsabilités d’un homme de son âge, Jacques délègue, en revanche, volontiers une part du fardeau quotidien qu’exige la gestion de son diabète.
«Jacques a fait le choix d’une gestion traditionnelle, sans pompe, ni lecteur de glycémie, explique Céline. Il se pique ainsi une à deux fois par jour et se fait, quotidiennement, au minimum quatre injections d’insuline. Tout cela sans angoisse et de façon quasi-routinière. Il a accepté sa maladie, poursuit-elle, mais il l’aborde avec une forme d’inconscience volontaire dans le but de dédramatiser!»

«Elle n’oubliera pas»
Cette attitude a amené Céline à s’impliquer fortement auprès de son compagnon dans une forme de contrat tacite où Jacques transfert le poids de sa responsabilité : «si moi j’oublie, elle n’oubliera pas!». Céline y consent très volontiers, multipliant les astuces pour lui rappeler son traitement : «C’est ainsi que je colle des post-it sur le frigo en inscrivant ‹n’oublie pas ton insuline›. Pareil lorsque l’on voyage : je m’assure qu’il aura assez d’insuline pour tout le séjour, ce qui n’a d’ailleurs pas été le cas lors d’un récent séjour aux Etats-Unis. Mais Jacques ne s’est pas du tout affolé. Il m’a dit que nous allions trouver une solution, ce qui a été le cas!»

«Pouvoir profiter immédiatement et au maximum de la vie»

Céline n’interprète pas son comportement comme un déni : «tout au contraire, il est parfaitement conscient des implications à terme de son diabète et me confie parfois qu’il ne sera peut-être plus de ce monde à 60 ans. Mais, ce qu’il veut aujourd’hui, c’est de pouvoir profiter immédiatement et au maximum de la vie». Sous le regard bienveillant de Céline, dont l’attention est toujours en éveil tant en matière de gestion du diabète que d’alimentation ou d’activité physique. Les clés d’un diabète équilibré.

Quand le proche aidant manque à l’appel…

Cela a eu lieu tout récemment. Annette, proche aidante de 83 ans, s’occupe du diabète de son mari André (91 ans) depuis une quarantaine d’années. En mars dernier, elle a dû être subitement hospitalisée pendant une dizaine de jours. Au-delà de l’angoisse, une question aussi brutale qu’urgente : que faire dans l’immédiat puisque que son mari, victime d’un «léger» AVC qui l’a diminué, ne peut en aucun cas se gérer seul …

«Tout s’est heureusement passé au mieux, notamment grâce à l’infirmière du CMS (service des soins à domicile) qui était présente ce matin-là dans l’appartement de mes parents», confie Anne-Marie, l’un des enfants de la famille. «L’infirmière s’est occupée de l’admission de ma mère à l’hôpital de Morges. De mon côté, j’ai pris contact avec le BRIO (Bureau régional d’information et d’orientation) pour trouver un établissement en mesure de prendre en charge mon père. Cela a été possible, dès le lendemain, à l’EMS Château de Féchy où, par chance, il avait déjà séjourné à deux reprises, et ceci grâce au relais assuré par le CMS dans un premier temps, puis par ma sœur». Des séjours de courte durée sont possibles dans cet EMS, avec l’objectif, notamment, de soulager de temps à autre les familles qui s’épuisent au service d’un proche.

L’efficacité de l’infirmière et l’engagement d’Anne-Marie, qui a aussi le statut officiel* de proche aidante auprès de son père, ont permis que ce qui aurait pu tourner au drame ou à un inextricable imbroglio se passe au mieux, dans l’intérêt bien compris du vieux couple (61 ans de mariage) et de leurs proches. De quoi rassurer aussi Annette qui a pu vivre son séjour à l’hôpital sans arrière-pensée, ni culpabilité.
Depuis le premier jour…

Il faut dire qu’Annette s’occupe du diabète d’André depuis le premier jour : «lorsque mon père est revenu de chez le médecin avec une feuille d’information sur l’alimentation des diabétiques en main, il l’a immédiatement confiée à ma mère pour qu’elle s’en charge, se souvient Anne-Marie. Chez mes parents, le partage des tâches a toujours été traditionnel, ma mère s’occupant de toutes les affaires domestiques. Dans l’esprit de mon père, la gestion de son diabète en faisait manifestement partie».

C’est ainsi qu’Annette s’est tout d’abord investie dans la prise des médicaments et le contrôle de la glycémie, puis dans les injections d’insuline lorsque cela est devenu nécessaire. «Aujourd’hui, elle pratique une prise de glycémie et une injection d’insuline par jour, précise Anne-Marie, en étant toujours très attentive au risque d’hypoglycémie, notamment nocturne. Mais c’est aussi elle qui s’occupe des repas, même si depuis quelques années elle a fait appel, pour son mari, aux repas à domicile qui couvrent ses besoins à midi et le soir».

Après dix jours d’hospitalisation, Annette a pu retrouver son domicile avec le bonheur que l’on peut imaginer. André a, quant à lui, fait son retour une semaine plus tard, afin que son épouse puisse, entourée de ses enfants, récupérer de son séjour hospitalier. Tout est bien qui finit bien, serait-on tenté de conclure si ne planait cette question lancinante : qu’en sera-t-il à l’avenir ? «L’équilibre actuel est fragile, concède Anne-Marie. Tout peut basculer très vite. Certes, il reste la possibilité que mes parents vivent en EMS, mais personne ne le souhaite vraiment». L’interrogation reste donc ouverte, en attendant que les événements ne précipitent, sans doute, les décisions.
(PM)

*Anne-Marie, comme sa mère, sont porteuses d’un document (format carte de crédit), intitulé « Carte d’urgence du proche aidant ». Ce document, nominatif, permet d’informer, dans le cas d’un accident ou d’une hospitalisation, que le détenteur s’occupe d’un proche et que, s’il est dans l’incapacité de le faire, il convient d’avertir au plus vite le CMS (service des soins à domicile) du domicile de la personne aidée.

Auteur: Pierre Meyer, rédacteur en chef