Pour Pierre-Yves Maillard, les patients sont des partenaires à part entière

Chef du département de la santé et de l’action sociale dans le canton de Vaud depuis 2004, le conseiller d’Etat Pierre-Yves Maillard est notamment l’initiateur, en 2010, du Programme cantonal diabète (PcD – Vaud), seul de son genre dans les cantons romands. A l’heure où il s’apprête à prendre la tête de l’Union syndicale suisse (USS), le d-journal fait le point sur cette initiative qui a eu des répercussions positives pour les diabétiques vaudois.

A l’origine du Programme cantonal diabète (Vaud), dirigé depuis six ans par la Dresse Isabelle Hagon-Traub et son adjointe Léonie Chinet, il y a une double prise de conscience concernant cette maladie chronique : « Mes services et moi-même avons tout d’abord constaté que le diabète était une maladie où le nombre de personnes atteintes était en croissance rapide et que cette maladie avait des conséquences sérieuses et invalidantes pour les personnes touchées (décès prématurés, cécité, affections rénales, amputations, etc.). Face à cela, nous étions en outre persuadés que des mesures de santé publique pouvaient avoir un véritable impact sur la situation, notamment en matière de prévention. C’est ainsi que nous avons notamment choisi de mettre l’accent sur les facteurs de risque (sédentarité et obésité) en promouvant une politique de proximité avec la population, à travers toute une série de programmes comme « Ça marche ! Bouger plus, manger mieux », DIAfit, EVIVO, les patients experts, le soutien aux proches-aidants, etc. ».

Sensibilisation et prévention
Parmi les principaux résultats du PcD, qui a contribué à mettre en place des dizaines d’initiatives destinées aux professionnels de la santé comme aux patients, Pierre-Yves Maillard cite plusieurs avancées très concrètes : « en premier lieu, il convient de relever que le nombre d’amputations dues au diabète a été réduit de moitié dans le canton de Vaud, signe d’une meilleure prise en charge des complications liées à la maladie ; par ailleurs, nous souhaitons pouvoir poursuivre l’examen d’une cohorte de patients particulièrement à risques, notamment sous l’angle de la comorbidité de leur affection. »

« Le Programme cantonal Diabète (PcD-Vaud) a eu pour effet de sensibiliser les professionnels de la santé à la problématique du diabète »

« En second lieu, le PcD a eu pour effet de sensibiliser les professionnels de la santé à la problématique du diabète, que ce soit que ce soit à l’hôpital ou dans la pratique privée. Le programme a eu pour effet d’encourager les généralistes à mieux diffuser les messages de prévention et à faire des diabétologues de véritables partenaires de santé publique. L’attitude proactive de l’Etat et de ses services a permis – et c’est sans doute le plus déterminant à moyen et à long terme – de faire germer une culture commune à l’égard du diabète entre les différents intervenants, une approche fédératrice riche de potentialités. »

« En troisième lieu, la notion de prévention – qui est un des points faibles de la santé en Suisse – s’est peu à peu imposée à tous les acteurs de la santé. C’est un domaine où l’on fait encore beaucoup trop peu en comparaison internationale, sans doute parce que les acteurs publics ne sont que des intervenants indirects dans ce secteur, en raison de la répartition des tâches entre les cantons (les soins stationnaires) et les assurances (les soins ambulatoires) ; or, les assurances ne sont absolument pas incitées à faire de la prévention. Quant à la Confédération, les moyens mis à sa disposition sont toujours très insuffisants, même si le conseiller fédéral Alain Berset a réussi à doubler les ressources de Promotion Santé Suisse ».

Diabètevaud est associé au dispositif vaudois
Le Programme cantonal Diabète (Vaud) a également eu pour effet d’associer étroitement diabètevaud (l’association vaudoise des diabétiques) comme un des acteurs du dispositif mis en place. Contrairement à d’autres cantons romands où les organisations de patients diabétiques se débattent seules face aux besoins de leurs membres, diabètevaud fait partie intégrante du dispositif vaudois pour son action d’information, de soutien et d’aide (consultations) aux personnes diabétiques.

« La santé doit aussi devenir une préoccupation syndicale forte »

« Les associations de patients sont clairement utiles, souligne Pierre-Yves Maillard, car elles représentent un relais précieux pour les malades, pris individuellement ou collectivement. En donnant des conseils, en faisant de la prévention, en diffusant de l’information, en soutenant les personnes diabétiques, elles ont toute leur place dans une approche de santé publique. Nous souhaitons aussi que ces associations de patients chroniques puissent mutualiser leurs efforts pour renforcer davantage leur position de défense des droits des patients. En effet, le système de santé doit être encore plus à l’écoute des besoins des malades chroniques et la voix des patients doit se faire plus forte, à l’heure où les débats de société concernant la santé se font plus virulents ».

Renforcer le dialogue patients-soignants
« La question fondamentale est de savoir comment associer au mieux les patients, poursuit Pierre-Yves Maillard. A cette fin, nous avons, par exemple, développé des forums destinés à renforcer le dialogue entre eux et les soignants (comme en oncologie), entre eux et leurs associations et les services de l’Etat. L’ensemble du secteur de la santé a tout à y gagner ».

Pierre-Yves Maillard souhaite également s’impliquer dans un autre domaine, celui de la santé au travail : « Cette problématique est potentiellement explosive vu le nombre croissant de pathologies psychiques liées au stress au travail ou à l’évolution préoccupante des affections fonctionnelles, comme les maladies de dos. Les exigences du monde du travail augmentent avec, pour corollaire, un accroissement de l’absentéisme et une multiplication des situations invalidantes. La santé doit aussi devenir une préoccupation syndicale forte », plaide-t-il avec conviction.

Photo : ©Sieber ARC
Auteur: Pierre Meyer