Les parents tirent la sonnette d’alarme

En dépit des engagements pris, les enfants diabétiques sont de plus en plus laissés à eux-mêmes dans les classes du canton de Vaud. L’institution et les enseignants rechignent à intervenir en cas d’urgence et ne souhaitent plus prendre de responsabilités. Ce que les parents dénoncent.

Laure Rousseau, présidente du GRPED (Groupe romand de parents d’enfants diabétiques) est un peu attristée : « chaque année, la situation s’aggrave. En dépit de l’activité d’information menée par les infirmières en santé publique auprès des enseignants et des directions d’école, je constate que l’école vaudoise a de la peine à respecter ses intentions et que, par ricochet, cela retombe sur les parents pour lesquels la rentrée des classes devient un cauchemar, en particulier si la mère et le père travaillent ».

Situation problématique
Et de poursuivre : « cette situation devient très problématique pour les enfants en bas âge – ou nouvellement diagnostiqués – qui ne sont, le plus souvent, pas très à l’aise avec leur traitement (pompe à insuline, stylos d’injection, capteur de glycémie, etc.). Quant à assister les plus grands en cas de besoin, la réponse est invariable : qu’ils se débrouillent ! »
Ou alors pire, affirment certains enseignants : « Oh, mais votre fils n’a qu’à rester à la maison plutôt que d’aller faire la journée de ski, ce sera plus simple. Quoi de pire que cette double punition, non ?…Si les parents ne sont pas des battants, cela devient très difficile pour l’enfant. Quant à assister les plus grands en cas de besoin, la réponse est invariable : qu’ils se débrouillent ! Pareil pour les enfants qui viennent de commencer un apprentissage : c’est le désert ; l’information ne suit pas, comme si du jour au lendemain nos enfants n’étaient plus diabétiques ».

Laure Rousseau insiste : « pour les petits avec une pompe, les parents ne peuvent se passer de la maîtresse. Et passer d’une maîtresse à l’autre est toujours un moment extrêmement difficile ; à tel point que le risque de déscolarisation existe, alors que l’intégration figure en bonne place dans tous les discours officiels ! ».

Retrait de l’enseignement obligatoire
Le constat de la présidente du GRPED résonne aux oreilles des deux infirmières de santé publique en diabétologie pédiatrique, chargées de l’information auprès des enseignants pour les quelque 200 enfants suivis au CHUV. Lors de ces séances, le corps enseignant est mis au courant de la réponse à apporter en cas d’inconscience de l’enfant : « l’injection de glucagon fait ainsi l’objet d’une démonstration sur une peau artificielle. Mais nous avertissons toujours les enseignants que, s’ils ne sentent pas à l’aise, ils doivent appeler le 144 ».

Si, théoriquement, le système mis en place paraît bien rodé, Christine Lambelet et Claude Brocard, dressent, elles aussi, un constat préoccupant : « La direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO) est clairement en train de durcir sa position à l’égard des soins à dispenser au sein de l’école. Dans la même veine, l’Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire a décidé d’interdire l’administration de médicaments par les enseignants ».

« Pratiquement, cela signifie qu’un enseignant ne devrait plus aider l’enfant à administrer son insuline. Dans certains endroits du canton, il leur est même déconseillé de valider le chiffre qui apparaît sur le lecteur de glycémie afin que l’enfant puisse administrer lui-même sa dose d’insuline, lorsqu’il souhaite prendre une collation à la récréation ».

« Pour les petits avec une pompe, les parents ne peuvent se passer de la maîtresse »

Certaines écoles se sont, en revanche, donné les moyens d’intégrer l’enfant, relèvent les deux infirmières : « elles ont organisé et financé une aide à l’enseignante pour épauler les enfants diabétiques qui commencent leur scolarité : ainsi les soins sont assurés par une même personne (qui n’est pas forcément du corps médical). A d’autres endroits, ce sont les infirmières des soins pédiatriques à domicile qui passent à chaque récréation ».

Par ailleurs, pour les enfants qui partent en camp avec leur classe, le Service de l’enseignement spécialisé et de l’appui à la formation (SESAF) propose d’indemniser les accompagnants.

Le slogan de l’intégration scolaire
La pratique s’éloigne ainsi peu à peu des intentions affichées, par exemple, dans le Projet d’accueil individualisé mesure de santé (PAIMS) où il est doctement affirmé qu’« il contribuera à l’intégration scolaire et sociale des élèves porteurs d’une maladie chronique ou d’une incapacité physique », comme l’indique le site du canton.

Afin d’en avoir le cœur net, le Dr Michael Hauschild, médecin associé au service pédiatrique du CHUV, a chargé une étudiante en master d’étudier cette problématique sous le titre « Analyse de la situation des enfants diabétiques dans les écoles obligatoires ». L’étude consiste à évaluer la situation en interrogeant aussi bien les responsables scolaires, les enseignants, les infirmières scolaires que les parents. Les résultats sont attendus pour le printemps 2018.

Auteur: Pierre Meyer