Les enfants diabétiques de type 1 sont-ils « impotents » ?

Chez les enfants, l’autogestion du diabète est difficile et nécessite un appui parental régulier. L’enfant concerné est donc « impotent » du point de vue juridique et, à ce titre, il est en droit de percevoir une allocation pour impotent de la part de l’assurance-invalidité – un fait qui est encore trop peu connu.

Par chance, rien ne permet de distinguer un enfant diabétique d’un autre enfant sur le plan physique. Mais pour leur apporter le plus de sérénité possible, les parents s’activent énormément en coulisses. Ils cousent des pochettes sur le maillot de bain de leur enfant pour pouvoir y insérer la pompe à insuline, ils restent assis au bord de la piscine pendant les cours de natation, ils informent les enseignants et le personnel encadrant de la situation, ils notent les taux de glucides sur les snacks, ils parlent à la mère du petit camarade des restrictions concernant la consommation de gâteaux à la fête d’anniversaire. Et surtout, des années durant, ils se lèvent régulièrement la nuit parce que l’alarme de glucose s’est déclenchée, que le tube d’insuline s’est plié ou que quelque chose ne se passe pas comme prévu. Sans compter qu’en fonction de l’âge de l’enfant, les parents assument aussi le plus gros du traitement, à savoir la régulation et la surveillance de la glycémie. Ils sont remerciés de tous ces efforts dans les comptes-rendus des médecins, notamment : « Grâce à un engagement très important de la mère, l’état de santé de la patiente évolue très favorablement. » Mais une telle implication a un prix. De nombreux parents, généralement les mères, abandonnent ou réduisent fortement leur activité professionnelle.

Des idées fausses

Il ne fait aucun doute que les soins médicaux et les indemnisations correspondantes sont de très haut niveau en Suisse. Ce que toutes les personnes concernées par le diabète apprécient. Cependant, elles ont souvent besoin de soutien supplémentaire. Jusqu’à présent, trop peu de personnes savent que les enfants atteints de diabète de type 1 ont droit à une allocation pour impotent versée par l’assurance-invalidité (AI). Ce manque de connaissance peut s’expliquer de multiples façons. Il existe des lacunes en matière d’information et des idées fausses concernant l’allocation pour impotent. Ainsi, dans le cadre de la demande d’indemnisation, il peut arriver que les médecins traitants, qui jouent un rôle déterminant dans le processus d’évaluation, ne soutiennent pas une telle demande. Ils considèrent l’« impotence » au sens médical du terme ou établissent une comparaison avec d’autres maladies qu’ils estiment plus graves. Toutefois, l’« impotence » est un terme du droit des assurances sociales qui est défini par la loi (plus d’informations à ce sujet dans l’encadré en page 24). En principe, l’octroi d’une allocation pour impotent ne préjuge pas de l’ampleur du problème de santé ou de l’état physique, psychique ou mental de la personne concernée. Le montant de l’allocation indique plutôt dans quelle mesure la personne concernée a besoin de l’aide d’autrui. Dans la gestion du traitement des enfants diabétiques, le besoin d’aide supplémentaire doit toujours être examiné sur la base d’une comparaison avec le soutien dont a besoin un enfant du même âge en bonne santé.

Un risque assuré

A vrai dire, le terme « impotence » est obsolète et donne lieu à de fausses associations. Malheureusement, c’est aussi le cas avec d’autres expressions du droit des assurances sociales, comme par exemple « infirmité congénitale ». Peutêtre est-ce pour cela que de nombreux parents hésitent à demander une allocation pour impotent ? Par peur de la stigmatisation ? Ou parce qu’ils pensent qu’une rente AI doit être accordée au préalable ou qu’une infirmité congénitale est une condition d’obtention de cette prestation. Certains parents ont l’impression de demander la charité, mais l’impotence est un risque assuré. En principe, il s’agit d’un droit auquel toute personne résidant en Suisse peut prétendre, y compris les enfants – et ce, indépendamment du fait que la personne ait besoin ou non d’une aide financière. Il convient de faire une distinction claire entre la perception d’une allocation pour impotent et d’une rente AI. La crainte que des personnes qui perçoivent une allocation pour impotent deviennent des bénéficiaires d’une rente AI n’est pas fondée. Tout d’abord, la perception d’une rente AI n’est pas une condition préalable à l’obtention d’une allocation pour impotent. Deuxièmement, les enfants atteints de diabète de type 1 finissent eux aussi par grandir et devenir plus autonomes, ce qui signifie qu’à partir d’un certain âge, le droit à une allocation pour impotent s’éteint. En outre, le droit à l’allocation pour impotent est régulièrement réexaminé. De nombreux offices AI cantonaux – et, en cas de litige, les tribunaux – qui statuent sur ce droit, sont souvent submergés par les demandes et finissent généralement par les rejeter. Dans la décision rendue par un office AI cantonal, on peut lire : « Il n’existe aucun cas connu pour lequel une impotence due à un diabète a été reconnue, raison pour laquelle les demandes d’allocation pour impotent présentées par des personnes diabétiques sont rejetées par défaut, en l’absence d’enquête sur place. » Face à un tel refus, l’organisation Swiss Diabetes Kids et une mère concernée ont porté l’affaire devant le tribunal, qui a jugé ce comportement de l’office AI comme « en profond désaccord avec les directives ». Aujourd’hui, l’office AI doit prendre une nouvelle décision.

Il vaut la peine de déposer des demandes

Etant donné que les demandes sont évaluées différemment d’un canton à l’autre, notamment en raison de l’absence de décisions judiciaires sur lesquelles se fonder, il faudra beaucoup de temps avant que les offices AI n’harmonisent leurs pratiques. Néanmoins, les parents sont invités à faire valoir les droits de leur enfant et à soumettre leurs demandes à l’office AI compétent. Certes, aller au bout du processus ne se fait pas sans mal. Les parents et les médecins traitants devront s’armer de patience et de persévérance pour faire valoir le droit à une allocation pour impotent, pour les procédures d’examen de l’office AI menées suites aux demandes et enfin, pour contester une décision négative. Mais le résultat justifie le sacrifice consenti. Certains offices AI évaluent correctement les demandes, estiment avec justesse l’étendue des prestations d’aide dont les personnes ont besoin et approuvent la demande initiale. Les enfants diabétiques de type 1 ne sont pas impotents. Au contraire, ils deviennent des adultes qui le plus souvent ont une forte personnalité, notamment en raison des exigences qui leur sont imposées dès l’enfance. Mais au sens juridique, ils sont « impotents » au moins jusqu’à ce qu’ils soient capables d’assumer l’autogestion de leur maladie de manière fiable.

Que signifie « impotent » au sens juridique ?

Est considérée comme impotente toute personne qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a besoin de l’aide de tiers ou d’une surveillance personnelle pour accomplir les actes élémentaires de la vie quotidienne.

Les frais encourus doivent être couverts par l’allocation pour impotent. Il s’agit d’une prestation en espèces régulière mensuelle versée par l’AI. On distingue l’impotence grave, moyenne et faible (1896, 1185, 474 francs par mois). Les enfants atteints de diabète de type 1 ne sont pas encore en mesure de reconnaître combien il est important pour eux de contribuer à la gestion de leur traitement, de l’évaluer correctement et d’agir en conséquence. Le traitement du diabète exige des connaissances, de la constance, de la discipline, de la motivation et de la planification. Les enfants atteints de diabète ont donc besoin d’un soutien, d’une surveillance et d’une aide continus pour faire face à leur quotidien. L’auteure du texte ci-dessus estime que tous les enfants souffrant de diabète de type 1 – quelle que soit la forme de traitement – ont droit à une allocation pour impotence légère au moins jusqu’à leur 12e anniversaire. Parfois, en fonction de l’âge ou de restrictions supplémentaires, on peut même considérer qu’il s’agit d’une impotence moyenne ou grave.

Auteur: Texte : Caroline Brugger (lic. en droit), Swiss Diabetes Kids